PHILADELPHIE, 3 MOIS AVANT L'ATTAQUE ✘ Passant une main dans ses longs cheveux blonds, Kimbra observa son élève qui lui faisait des yeux de chien battu : celle-ci voulait à tout prix récupérer son portable. La professeur soupira et s’assied sur le coin de son bureau avant de prendre la parole.
« Tu sais, Katherine, je veux bien comprendre que mon cours ne t’intéresse aucunement, que t’envois quelques sms une fois de temps en temps, mais pas à chaque secondes, devant mes yeux. » Là était le problème, de nos jours. C’était comme si chaque adolescent avait cette dépendance à ces nouvelles technologies, c’en était dépriment. Comme si chaque seconde passée loin d’un téléphone hyper technologique ou d’un ordinateur était impossible. Oh, elle ne disait pas qu’elle était mieux qu’eux : elle aussi possédait tous ces petits gadgets, mais elle savait quand s’arrêter, pas comme une grande partie de cette nouvelle génération de jeunes, accros aux textos et aux dernières trouvailles du Web. Le regard suppliant de l’élève se durcit quelque peu aux paroles de Kimbra :
« C’est un grand manque de respect et c’est pour cela que je t’ai confisqué ton téléphone. Et je ne ferais pas exception avec toi parce que tu as eu le "courage" de venir à la fin du cours me supplier de l’avoir. » Voilà qui devrait mettre un terme à la discussion. S’il y avait une chose dont tout le monde pouvait être certain, c’était de la fermeté de la jeune enseignante d’histoire. Son ton de voix autoritaire ne laissait présager aucun élan de bonté envers l'étudiante. Quand elle faisait une promesse, elle la gardait. Et, lorsqu’au début de l’année, elle avait lu ses consignes de classes aux élèves et que la plupart n’avaient pas écouté, elle s’était grandement réjouie de savoir qu’elle pourrait mettre les conséquences qu’elle avait brillamment trouvées à exécution. Non, elle n’était pas la prof la plus sévère, mais elle avait ses règles et il fallait les respecter. L’adolescente poussa un sifflement haineux avant de taper du pied au sol comme l’aurait fait une gamine de huit ans, ce qui amusa un peu la trentenaire. Décidément, la maturité de certains de ces élèves était à revoir. Elle pouvait sentir que le "mais madame!" allait suivre, mais étrangement, rien ne fut ajouter. Quelques secondes plus tard, son élève passait devant ses yeux.
« Bonne soirée Katherine. » Kimbra n’eu aucune réponse en retour et elle pouffa. Froisser l’amour propre d’une gamine ne la dérangeait aucunement, elle avait d’autres choses à faire. Tournant sa tête vers son tableau remplit de notes, de dates et de lieux historiques d’Amérique du Nord, elle descendit de son bureau et alla prendre la brosse pour nettoyer tout ce qu’elle avait écrit avec sa craie sur l’ardoise verte. Demain, une autre journée l’attendait, une journée comme les précédentes.
ÉTAT DE NEW YORK, 6 MOIS APRÈS L'ATTAQUE ✘ "This is it, the apocalypse", ou du moins, c’est ce que certains humains se disaient, ceux qui étaient encore seuls dehors, ceux qui n’avaient pas su trouver cette cohorte, dont tout le monde parlait. La fin d’une ère, l’avènement d’un nouveau monde, d’une puissance longtemps ignorée par les plus terres à terres de tous, mais crainte par les plus peureux des hommes. Des petits hommes verts descendus sur Terre? Mais non, voyons, c’est too mainstream. Des Hosts, c’est mieux. Un petit sourire se dessina sur le visage tantôt pensif de Kimbra, qui s’imaginait des bonhommes verts se promenant et pulvérisant chaque humain grâce à des rayons lasers. Si drôle. Les hommes avaient toujours eu une imagination débordante. Son coéquipier lui jeta un regard interrogatif avant de lui demander ce qui la faisait rire, ce à quoi elle s’empressa de répondre.
« Rien de spécial. » Fouillant dans sa poche de manteau, elle en sortit une barre tendre protéinée qu’elle entreprit d’ouvrir du bout de ses doigts froids. Son ventre criait famine et elle s’était juré qu’elle allait attendre plus que deux heures avant de manger, mais elle avait trop faim. Au moins, elle aurait de quoi se nourrir ce soir, dès qu’ils allaient revenir au campement. Ils s’étaient quelques peu éloignés de New York alors qu’ils auraient du rester près des frontières, où les autres les attendaient. Pas grave, en une journée, ils seraient revenus. Qui plus est, ils pourraient mieux voir si une vie humaine traînait dans les parages s’ils s’aventuraient plus loin que le périmètre délimité.
« Tu crois qu’on rencontrera des humains? J’aimerais bien, ça mettrait un peu d’action. » Kimbra avait entreprit de manger sa barre tendre et, déjà, il n’en restait qu’une bouchée. Elle mit le dernier morceau dans sa bouche avant de chiffonner l’emballage en une boule et de la jeter un peu plus loin. Oui, c’était une rebelle dans l’âme, elle polluait la Terre. Nasty you.
« Puis ce serait marrant, ils seraient affolés et tout et… » Rigolant, elle voulut continuer, mais l’homme la coupa, lui réprimandant son petit côté humoristique en ce matin froid. Soupirant, elle serra son arme entre ses doigts et décida de se lever.
« Si c’est comme ça, aussi bien rester bête et autoritaire comme je le suis d’habitude. On a même plus le droit à une petite touche d’humour le matin. » Secouant la tête, elle laissa son coéquipier derrière elle et s’enfonça dans la forêt enneigée.