« Y doit y avoir un point d’eau pas loin, je pense qu’y aura aucune difficulté à le trouver. Planquons la bécane et allons-y, ça nous permettra de faire un break. J’sens plus mon cul et mes jambes commencent à me lâcher ». S‘exécutant en même temps qu’il se plaignait Zachary s’empressait de mettre à l’abri leur seul et précieux moyen de transport, sa moto. Ou devrait-on plutôt dire celle de son frère, un véritable bijou aux yeux de l’ex-détenu. Il restait suffisamment d’essence pour atteindre la prochaine ville à quelques bornes de leur position, après ils seraient à sec et pour un bon moment...Il était donc inutile, selon lui, de se précipiter dans la gueule du loup vu l’état de faiblesse dans lequel ils se trouvaient actuellement. Une petite pause leur permettrait d’être bien plus opérationnel en cas de…De problème. Cela faisait déjà plus d’une dizaine de jours que les deux survivants partageaient leur quotidien, leurs ressources et cela à la plus grande surprise de Zachary. Jamais il n’aurait pu imaginer faire autant de route avec une personne qu’il connaissait à peine, car même si elle l’avait aidé à sortir de cette pharmacie, il en fallait bien plus pour obtenir sa confiance. Recouvrant les parties encore visible de la moto avec des branches, il finit par se reculer de quelques pas pour avoir une vue d’ensemble sur le travail terminé avant de jeter un petit regard à Charline. Regard qui lui demandait tout simplement son avis, mais à vrai dire, il s’en foutait royalement, disons qu’il s’agissait de…Politesse ?

Mais trêve de mondanités, ils ne pouvaient pas non plus rester là à se regarder avec des yeux de merlans frits en attendant que le ciel leur tombe sur la tête. Enfilant son poncho d’un geste débordant d’amplitude, il banda son arbalète avant de l’armer, question de sécurité. La forêt semblait calme, mais parfois les apparences pouvaient êtres trompeuses, mieux valait-il se préparer au pire plutôt que d’être pris en sandwich sans avoir le temps de dire chorizo. Progressant rapidement mais prudemment, Zachary s’arrêtait de temps à autre pour tâter quelques mousses qui poussaient innocemment sur le tronc de certains arbres, ils n’étaient plus très loin à présent. Chose dite, chose faite, on pouvait d’ores et déjà percevoir le fracas du courant de la rivière contre la rive. Alors que Zachary commençait à établir un périmètre de sécurité, un léger bruit attira son attention. Bruit si plaisant à son oreille qu’il pouvait bien reconnaitre entre mille. Avançant à pas de loup, il finit par décrocher une flèche qui venue se planter tout droit dans un tronc, empalant par la même occasion un écureuil peu chanceux.  « Le repas est avancé..Merci à toi mon p’tit père». Récupérant sa flèche avant de l’essuyer sur son jean, il posa l’écureuil sur un bois flotté qui traînait à proximité de la rive et qui allait se révéler être un magnifique siège de luxe pour ses petites fesses endolories.

Comme convenu, ils allaient pouvoir se reposer au bord de cette petite rivière quoi que légèrement tumultueuse, le fort courant qui s’y trouvait leur rappelaient bien que la région avait subi de fortes pluies. Le bruissement de l’eau provoqua chez Zachary une sorte de révélation. Un besoin qui se devait d’être assouvi et au plus vite.  « Bon. J’vais pisser, t’as cas attaquer l’écureuil si t’as faim ». Il était inutile de lui dire que faire un feu de camp était totalement...Hors de question. Mais Charline était loin d’être stupide ou naïve, c’était peut-être pour cette raison que Zachary appréciait sa présence. Même si par moment elle pouvait être étrange et agaçante, elle n’en restait pas moins agréable à vivre, et puis un peu de compagnie n’avait encore jamais tué personne. La solitude quant à elle, avait déjà fait plus de victime. Repassant la bandoulière de son arbalète autour de son buste, il s’approcha de ce point d’eau pour aller se soulager un peu, lâchant un soupire de satisfaction. Il n’y avait pas à dire, c’est quand tout tournait mal que les petits plaisirs la vie redevenaient savoureux.  « Repose-toi un peu, je vais aller faire une petite ronde histoire de m’assurer qu'y ait pas deux ou trois pignoufs qui se cachent dans des buissons. Ça ne sera pas excessivement long. » Pour être franc, il disait ça un peu à contre cœur, il aurait largement préféré se poser là et voir si des gens allaient lui tomber sur le coin de la gueule. Mais n’étant plus tout seul, mieux valait-il essayer de faire les choses correctement et prudemment. Il ne la connaissait pas plus que ça, mais il en savait suffisamment pour vouloir assurer sa protection du mieux qu’il le pouvait. Enterrer un visage familier est une chose qu’il n’accepterait pas de nouveau. De plus un peu de solitude ne lui fera pas de mal.

Comme il l’avait espéré au plus profond de son cœur, la forêt s’était révélée être des plus tranquilles. Il avait bien repéré quelques traces de pas par-ci par-là, mais celles-ci dataient déjà de plusieurs jours et ne représentaient donc plus aucune menace. Une chance, car depuis quelques jours, la fatigue commençait réellement à le gagner, ce n’était véritablement plus de son âge toutes ces conneries de jeunots. Depuis sa cellule dans le Michigan, Zachary avait à de nombreuses reprises réfléchis à ce qu’il entreprendrait une fois libre. S’il avait su que la liberté qu’il espérait tant signifiait également la fin de l’humanité, alors il aurait réfléchis à deux fois avant de prier autant pour l’obtenir. Combien donnerait-il pour retrouver une vie normale avec son frère…Earl. Où était donc passé cet enfoiré ? A tous les coups il avait réussi, comme à son habitude, à choper le bon coup et il se la coulait douce au moment même où Zach et Charlo peinaient au bord de cette foutue rivière. Portant sa main crasseuse à sa bouche pour venir ronger l’un de ses ongles, il baissa son arbalète avant de recracher le morceau d’ongle qu’il avait réussi à couper. Chose incroyable quand on constatait l’état dans lequel se trouvait ses ongles, qui se révèlent être tout simplement inexistant. Rebroussant finalement chemin au bout d’une bonne quinzaine de minutes, il arriva à pas de loups à leur petit camp de fortune pour y découvrir Charline, endormie contre sa souche. D’abord frappé par la surprise, un étrange sentiment l’envahit alors, peut-être était-ce le fait de voir le visage si serein de Charline ? Comment pouvait-elle être si..Détendue ? Ou devrait-on dire épuisée…Zachary avait peut-être surestimé les capacités de Charline en la faisant voyager sans arrêt depuis près d’une bonne semaine. Il faudra peut-être penser à ralentir un peu le rythme… La question qui lui trottait dans l’esprit était donc la suivante : fallait-il la réveiller ou la laisser dormir encore un peu ? Après tout, elle méritait bien ce repos. Toutefois…Il ne fallait pas qu’elle baisse sa garde aussi rapidement, pas même sous le prétexte de la fatigue. Qui sait ce qui pourrait lui arriver si elle faisait se genre de chose toute seule. S’approchant d’elle en faisant le maximum de bruit dont il était capable sans paraître trop louche, il déposa son arbalète ainsi que trois autres écureuils morts sur un rocher près de la rivière.

« ..T’es con ou quoi ? T’aurais pu attendre dix minutes que je revienne pour entamer ta petite sieste improvisée. T’aurais fait quoi si un mec avait surgi de nulle part ?...tss». Alors qu’il déposait son regard légèrement agacé sur Charline, il finit par se détourner de la jeune femme se rendant compte qu’il avait peut-être été un peu dur avec elle. A ses yeux Charline était comme…Une poupée de porcelaine. Si on la brusquait trop d’un coup, elle risquait de se briser en milles morceaux et si cela venait à arriver, Zachary avait clairement de trop gros doigts pour espérer réussir à recoller tous les morceaux correctement. Mieux fallait-il donc éviter de la pousser à bout, de plus... Charline ressemblait tellement à Lily, il était donc impensable pour Zachary de la blesser volontairement avec ses propos « de rustre ». D’un ton plus calme quoi que toujours aussi rude, il s’empara d’un de ses carreaux d’arbalète pour s’accroupir au bord de la rivière. « On devrait être tranquille pour plusieurs heures..J’en ai choppé trois autres ça va nous permettre de retrouver nos forces ». Ouvrant les écureuils un a un en prenant soin de les vider correctement pour limiter au mieux la perte de nourritures, il jeta le surplus d’organes dans la rivière sans montrer signe de délicatesse. « Et puis…Je pense qu’on pourra faire cuir les bestiaux juste avant de décamper d’ici…Si tu préfères les manger comme ça..Et si on arrive à se faire un feu.». Une fois les écureuils vidés et rincés, Zachary plongea ses mains dans l’eau pour retirer le sang qui s’y était agglutiné avant d’humidifier par la même occasion son visage.