Ils étaient un groupe d’environ 4 adultes, 3 enfants. Morgan les avaient croisés sur la route alors qu’il s’éloignait de la grande ville en début de soirée. Après leur avoir prouvé qu’il n’était aucune menace pour eux et qu’il ne faisait que se promener de groupe en groupe de survivants, il leur proposa de passer la nuit avec eux pour leur tenir compagnie. Après tout, ça ne fait jamais de tord de la compagnie de d’autres êtres humains de temps en temps, à présent. Ils s’étaient donc enfoncés dans la forêt la plus proche afin de se mettre à l’écart des grandes villes. Ils s’étaient trouvés de quoi s’allumer un feu et s’étaient assis autour. Assis, les jambes recroquevillées contre lui, les bras enroulés autour, Morgan fixait le feu d’un regard vide. Puis, il sentit quelque chose le tapoter dans le dos. Se retournant, il vit l’un des trois enfants, le plus jeune, qui tenait un gros sac noir, fait sur le long, dans ses bras.

- Dites, monsieur, qu’est-ce que vous avez dans ce sac ?

Vraiment ? Est-ce que cela faisait si longtemps que l’invasion avait explosée que les enfants ne reconnaissaient plus la forme d’un instrument de musique ? Morgan lui fit donc un grand sourire avant de prendre son sac et de dézipper la fermeture éclair qui s’ouvrit sur une belle guitare sèche.

- Je la transporte toujours avec moi, dit-il au gamin. Elle m’aide à me changer les idées quand je suis nerveux ou encore quand je me sens seul. Tiens, je vais te raconter une histoire.

Le blond prit donc l’instrument dans ses mains et commença à gratter les cordes. Les enfants s’assirent donc tout près de lui, soudainement tranquilles. Raven commença donc à chanter. Une de ses propres compositions, d’ailleurs.

Morgan Raven Cross. Ce n’est pas un nom très commun. Un nom hautain ? De bonne famille ? On pourrait croire que c’est le nom d’un artiste. À crois que mes parents étaient persuadés que je deviendrais un artiste. Qu’est-ce qui leur a mis la puce à l’oreille, j’ai jamais vraiment sut, mais au final, ils ont eu raison. Oui, j’ai commencé comme artiste vers mes 16 ans en tant que mannequin pour une boite de mode à Oxford, en Angleterre, où je suis né, pour finir artiste de rue, principalement chanteur et guitariste, à New York. En huit ans, il y a un gros trajet pour partir de Londres, en étant quasi riche, jusqu’à la rue, sans le sou, aux États-Unis. Une grande évolution psychologique, aussi.

On peut dire qu’années après années, j’ai fait tout l’inverse plutôt que de m’enrichir; Je suis né dans une famille très à l’aise et très conservatrice où j’étais enfant unique donc oui, j’avais toujours les enseignements privés et la cuillère en argent à la bouche. Mes parents étaient si fiers du bambin bien élevé, parfait en tout ce que j’entreprenais, rendant tous les autres enfants de l’académie où j’allais jaloux. Mais j’ai fini par les décevoir. Deux fois, même. La première fois, c’est quand j’avais quatorze ou quinze ans. Je ne sais plus exactement, j’essaie d’oublier ce passage dans ma vie. Mais c’était cette soirée où je soupais en silence avec mes parents et que j’ai fais mon coming out. Oui, je suis gay et je l’assume pleinement. Mais dites vous que mes parents étaient super conservateurs. Même si j’essaie d’oublier, je n’arriverai jamais à effacer le regard vide de ma mère après ma révélation. Elle s’est levée, s’est approchée de moi, et, sans même poser les yeux sur moi, elle m’a giflée avant de quitter la pièce. Mon père, lui, gardait le silence, un air de dégout sur les traits. J’ai su, dès ce moment, qu’ils ne me verraient plus de la même façon. Alors, je me cachais. Ils n’ont jamais su qui était mon copain à cette époque. Et je doute qu’ils ne le sachent un jour… J’ignore même s’ils sont encore en vie, aujourd’hui…

Morgan soupira. Puis, il réalisa que les trois enfants dormaient à poings fermés. Il haussa les épaules. À quoi bon continuer de raconter cette histoire qu’était la sienne. Surtout à des enfants de cet âge qui ne comprenaient sûrement pas tout ce qu’il disait. D’un autre côté, c’était bien qu’il n’en dise pas plus parce que… La suite, ce qui lui était arrivé par la suite, ils n’avaient pas besoin d’entendre ce genre de chose à cet âge-là. Surtout dans un temps comme présentement. Ils étaient déjà assez malheureux. Raven se remit donc à chanter, une autre de ses compositions.



Une fois fini de chanter, il réalisa que les adultes le fixaient depuis tout à l’heure. Comme s’ils attendaient quelque chose. Le blond arqua les sourcils avant de continuer de gratter sa guitare. Le silence commençait à se faire lourd, malgré la douce musique qui s’élevait de l’instrument. Quelque peu nerveux par ce silence, il se racla la gorge.

J’avais 16 ans quand je les ai déçus à nouveaux. Un jour, je me promenais dans les rues d’Oxford, et un homme s’est arrêté près de moi. Il m’a étrangement observé de la tête aux pieds avant de me demander si j’avais déjà fait du mannequinat. Inutile de dire que j’étais disons… surpris par cette question. Mais je lui répondis que non, puisque ce n’était pas le cas, effectivement. Je n’étais encore qu’aux études secondaires. Il me demanda donc si j’étais intéressé. J’étais encore plus surpris. Moi ? Mannequin ? Quelle mauvaise blague c’était… Avec mes dents croches, mes pommettes bien trop définies et mes yeux de ‘’Poissons’’ comme certains disaient… Je n’avais rien d’un mannequin. Bon, peut-être seulement la grande taille, grand, mince et élancé. Je fais tout de même 1m80 facile. Apparemment, c’est la moyenne des Mannequin… Même si je n’entrais pas dans la catégorie des beautés à la Ken, c’est-à-dire plein de muscle, super bronzé et un regard d’enfer. J’hésitai un moment, mais j’ai fini par accepter. Pas parce que j’avais besoin d’argent –il faut dire que même si j’étais en ‘’conflit’’ avec mes parents depuis mon coming out, ils me donnaient toujours autant d’argent et tout le kit quand j’en avais besoin- mais plutôt besoin d’un passe-temps. J’attendis un peu avant d’en parler à ma famille, parce que je savais que mon père voulait que je prenne la relève de la chaîne de restaurant chic dont il était propriétaire. Donc je fis plusieurs séances photos avec lui. Bien sûr, ma famille trouvait ça étrange que je m’absente aussi souvent, et le jour qu’ils retrouvèrent ma photo en gros dans un magazine de vêtements de mode. C’était assez difficile de leur cacher la vérité à présent… J’essayai de leur faire passer ça comme un ‘’boulot étudiant’’, que ça allait finir par changer. Mais plus le temps passait, plus j’appréciais ce que je faisais et je tissais des liens avec mon photographes qui m’avait engagé –bien sûr, je voyais des tonnes de différents photographes pour différents photoshoot, mais celui avec qui j’étais le plus proche est celui qui a lancé ma carrière. Il n’en dit rien de plus jusqu’à la fin de mes études secondaire. Une fois fini, j’essayai de leur annoncé doucement ma décision de poursuivre mes études en mode. Je me disais que, s’ils étaient fiers de moi, qui réussissais, jusqu’à présent, tout ce que j’entreprenais, ils me laisseraient à mes choix. Mais au final… Ça se passa encore pire que je l’eu cru; Selon eux, le mannequinat, surtout pour un homme, ce n’était pas un vrai emploi. Je devins une honte pour les Cross, et ils me chassèrent du foyer familial. Je m’attendais seulement à ce qu’ils me boudent pendant un certain moment, comme ils avaient fait concernant mon orientation, que ça finirait par passer. Mais non. Ils avaient décidé que je n’avais plus ma place dans cette maison. Me retrouvant à la rue, la seule place que j’eut à aller fut la maison de mon photographe. Je n’étais pas très sociable alors je n’avais pas vraiment d’amis assez proche pour ça et je n’avais plus de copain. Arthur, quant à lui, m’accueillit à bras ouvert. Bon, nous avions tout de même une dizaine d’année de différence, mais pourquoi en faire autant un plat. Il était sympathique, protecteur et… il avait toujours été là pour moi.

J’ai habité environ 5 ans chez lui, continuant d’aller d’agences en agences pour des photoshoot. Je me sentais dans mon élément. Mais plus les années passaient, plus ma relation avec Arthur dégénérait. 3 ans après, notre relation commençait à se faire venimeuse. Super toxique. À vrai dire, je l’aimais. Comme un amant, comme un partenaire de vie. Mais Arthur a sombré dans la maladie de l’alcool et, comme la plupart de ceux qui étaient sont atteints de cette maladie, il est devenu violent. Qui était sa première cible ? Bien sûr, c’était moi. Qui d’autre était aussi près de lui que moi ? Personne, voyons. Il me battait. Toujours plus fort à chaque fois. Sauf au visage. Même s’il était saoul, il savait où frapper et que, au visage, les gens se douteraient de quelque chose. La plupart des cicatrices que j’ai viennent de lui. Pas seulement des cicatrices physiques. Psychologiques, aussi. C’est difficile d’encaisser autant de coups de la personne que tu aimes. Et tu préfères garder le silence parce que, justement, tu l’aimes. Et en plus, les hommes battus, ce n’est pas pris autant au sérieux par la communauté, malheureusement. Et encore moins si j’essayais de dénoncer le fait qu’il ne m’avait pas seulement battu, mais m’avais… disons… abusé. M’enfin bref. C’est pas quelque chose de très pertinent à raconter présentement. Veuillez m’excuser pour mon déraillement…

J’ai fini par être capable de le quitter. Ça a tout de même prit deux ans avant que je réalise que je ne pouvais plus de tout continuer comme ça. Oui, il y avait encore des bons moments avec Arthur… Quand il n’était pas saoul. Of course. Mais c’en était quand même trop. Il allait finir par me tuer. Je crois que ce qui avait été le plus dur, de la raison pourquoi je ne suis pas parti, c’est que, encore, je n’avais pas d’autre contacts. Je ne pouvais pas retourner chez moi, ma famille m’avait jetée dehors. J’ai décidé qu’il fallait que je parte. Que je disparaisse. J’ai quitté l’Angleterre et même l’Europe. Je n’avais pas envie qu’il me trouve, alors j’ai laissé tomber l’univers du mannequinat. Avec la petite fortune que j’avais suite à mes années de services en tant que mannequin de mode (Qui paye très bien, juste pour dire) et j’ai pris un vol jusqu’aux États-Unis. Malheureusement, mon argent est tombé vite… Il fallait, après tout, que je paye non seulement un passeport de dernière minute, un billet d’avion, trouver une façon rapide d’avoir une citoyenneté américaine si je voulais m’y établir. Et trouver un emploi n’était pas facile. Je me louais donc des motels basiques, les moins dispendieux, pour essayer d’économiser le plus possible… Mais j’ai fini à la rue. Même si j’avais vendu beaucoup de mes vêtements contre de la nourriture, j’ai fini à la rue. La seule chose que j’avais pas pus me défaire était ma guitare et fort heureusement, elle finit par me servir.

À la rue, je commencé à, honteusement, quêter de l’argent. J’étais l’un de ces mendiants fatiguant sans le sou, mais je faisais de l’animation de rue au beau cœur de New York. Je jouais de la musique, chantais… N’importe quoi pour ramasser un peu d’argent. Juste assez pour me nourrir. Et économiser pour avoir accès à un motel, parfois, quand il pleuvait ou quand je voulais prendre une douche. J’essayais d’avoir l’air propre, tout de même.
Mais… On peut dire que mes moments à la rue… Ils m’ont permis de me préparer pour ce qu’on vie présentement. J’ai passé 2-3 ans à la rue, et puis, il y a eu cette invasion. Le reste, vous le vivez autant que moi, il n’y a rien à ajouter. On court tous. Courrons pour notre vie. On survit du mieux qu’on peut. Je me dis que… Dans l’état où je suis maintenant, je n’en ferais pas un plat si je me faisais transplanter. Je n’ai aucune haine vraiment envers les aliens. En fait, je survis pour passer des moments avec des gens comme vous. Essayer d’éclairer le plus de sourires possible avec de la compagnie différente. Parce que sinon… Je n’aurais plus aucune raison de survivre…

Morgan releva à nouveau les yeux puis un sourire s’étira sur ses lèvres; Il venait de réaliser que plus personnes ne l’écoutait; en fait, ils dormaient tous. Étouffant un rictus, il prit une feuille et un crayon de son sac en bandoulière et écrit quelque chose dessus avant de se lever, déposer la note sur le tronc d’arbre où il était assis, posant une pierre dessus pour pas que le fin papier s’envole, paqueta ses effets personnel, rangea sa guitare… Puis s’enfonça encore plus dans la forêt en fredonnnant. Sur la note, il était facile de lire :