09.2009 / boston, massachusetts
Premier jour d'internat. Stressée. Presque pas dormi cette nuit. Il est 4h du matin. Faut que je parte dans une demi-heure pour être à l'heure. Momentanément, je me demande pourquoi j'ai voulu devenir chirurgienne. Pourquoi choisir de faire un métier où il faut se lever si tôt ? Me rappelle que j'ai toujours voulu sauver la vie des autres, m'occuper d'eux. Retrouve courage. Ma mère m'a laissé quatre messages hier soir. J'avais pas entendu le téléphone, il était sous les coussins de mon canapé. Aurais aimé lui répondre, juste pour entendre sa voix. Dans tout ses messages, elle me dit que mon père et elle m'aiment et qu'ils sont fiers de moi. Ai vu Sirius l'autre jour. Lui aussi, il m'a dit qu'il était fier de moi. Ecoute mes chansons de petite fille pour passer le temps. Hier, j'ai eu 22 ans. Je me demande si j'ai encore le droit d'écouter mes chansons de petite fille. Tant pis. Dois boire mon café à défaut de manger un truc. Envie de vomir. Plus que vingt minutes avant le départ. J'ai l'impression que c'est le début de ma vie.  

09.1996 / boston, massachusetts
Cher journal, Très cher journal, Première fois que j'écr Aujourd'hui, c'était mon anniversaire et j'ai eu beauc C'est bizarre d'écrire à soi même, on a cette impres Je m'appelle Summer, comme la saison (oui, je sais, c'est assez étra Je m'appelle Summer Dubois et j'ai 9 ans et je suis fille uniq Cher journal,

Je crois que commencer, c'est ce qu'il y a de plus difficile. Quelle idée, aussi, de m'acheter un journal pour mon anniversaire ! C'est un peu idiot,un peu banal, mais pourtant, j'ai l'impression que ça va me suivre longtemps, cette histoire de journal.
Et puis il paraît que ça m'occupera, dans les moments d'ennui.
Note à moi-même: je crois que les parents ont compris que je ne faisais rien en classe.

08.2013 / quelque part entre l'ohio et le kentucky
Fuite en avant. [...] La cohorte a été attaqué par un important groupe de Hosts à Cincinnati. On a pratiquement perdu 200 personnes. Je ne sais pas trop où on nous emmène. William a l'air déterminé à mettre le plus de distance entre eux et nous. C'est la panique. Ceux d'entre nous qui ont survis sont dans un état pitoyable.
C'est la première fois que je trouve du temps d'écrire depuis. Voilà trois semaines que nous fuyons. C'est bête, mais quitter les boyaux infâmes de ce métro fut un étonnant déchirement. Pour quelques mois, ce fut notre chez nous, notre foyer. [...] Cette nuit là, j'ai vu un homme mourir dans mes bras, la tête explosée, la poitrine béante. J'avais du sang jusqu'aux coudes. C'est fou, parce que des poitrines ouvertes en deux, j'en ai vu, j'en ai vu de tas. A une époque même, la vue de l'une d'entre elles me provoquait des frissons interminables. Maintenant, je n'arrive plus qu'à me rappeler de ces yeux vides, de ce murmure glaçant: « Sauve moi. »  

05.2011 / boston, massachusetts
Cette semaine, j'ai: assisté le docteur Jennings sur son pontage coronarien, déjeuné avec Sirius deux fois, appelé ma mère une fois pour un problème de four, dépensé 95 dollars en livres étrangers chez Barnes & Noble, dormi un peu trop jeudi, acheté 8 litres de sorbet à la poire dont 6 déjà englouti, piqué la place de Malcolm sur la transplantation cardiaque du docteur Parish, fait deux jogging dont un d'une heure, chanté un tube des années 90 sous ma douche, réussi à faire une machine sans que rien ne déteigne, bu environ 3 bouteilles de rouge, pris une fois le taxi, regardé deux émissions débiles, trois documentaires passionnants et 14 épisodes de diverses séries, profité de mon jour de repos pour nettoyer mon appartement, engueulé quelqu'un trois fois et été engueulée une fois par Sirius parce que j'étais en retard, fraudé deux fois le tramway, mangé mon poids en légumes verts, râlé trois fois, dormi devant la télé une fois.

07.2003 / samos, mer égée
Que c'est sublime la Grèce ! La mer est très claire, le ciel très bleu, les gens très beaux... Moi, avec ma peau diaphane, je fais un peu tâche à côté d'eux.
Soudain, j'ai envie d'ailleurs. Je crois que c'est l'air d'ici qui me fais cette effet. J'ai envie, comme je n'en avais jamais eu envie, de découvrir d'autres horizons, de voir d'autres ciels, d'autres mers, d'autres couchers de soleil. Des autres, des autres à foison, comme des images qui défilent. J'ai envie de voir des odeurs, d'entendre des couleurs, de sentir des sons qui n'existent pas, juste parce qu'ils viennent d'ailleurs. Quelque chose en moi vient de se réveiller, tout au fond. Quelque chose qui était resté muet jusqu'alors. C'est étrange, à 16 ans, de découvrir quelqu'un d'autre, caché dans un coin de son corps, qui pousse, qui crie pour en sortir. C'est même un peu effrayant.

11.2009 / boston, massachusetts
Première fois que j'assiste sur une opération cardiothoracique. Réparation d'une valve. Merveilleux. Patricia m'a dit que j'étais trop tendre pour la cardio. Ai tremblé pendant la moitié de l'opération. La vue d'un coeur qui bat, c'est terrifiant la première fois. Ai crue que j'allais explosée. Veux faire ça toute ma vie. J'emmerde Patricia, putain. Le docteur Jennings m'a demandé de prendre le coeur pendant qu'il faisait la première suture. Sous mes doigts, des battements réguliers. Se dire qu'en pressant rien qu'un peu, le patient pourrait mourir. Pétrifiant. Délicieux. Ce coeur dans les mains, dans cette salle d'opération, je suis soudainement ailleurs.  

08.2013 / quelque part entre l'ohio et le kentucky
J'ai perdu beaucoup de choses ces derniers mois. Certaines de ces pertes semblent intolérables. J'ai perdu ma famille, j'ai perdu mes amis, j'ai perdu ma maison. Mais toutes ces choses, toutes ces choses qui, autrefois, me semblaient indispensables, ce n'était rien. Les perdre fut douloureux, évidemment. Longtemps, j'ai pensé que je ne pouvais rien perdre de plus précieux que ma vie d'avant. Pourtant, à présent, je me rends compte de combien j'avais tort. Ce soir là, alors qu'il mourrait dans mes bras et que je restais là, interdite, j'ai perdu mon ailleurs. La vérité s'imposait à moi. Je suis incapable de soigner les autres, de m'occuper d'eux, de les sauver. L'idée même de devoir continuer à prétendre le contraire est insoutenable.
J'ai passé ma vie à rêver de scalpels, de sang, de vaccins, de morphine, de défibrillateurs. Dans les couloirs de l'hôpital, j'ai grandi, j'ai aimé, j'ai ri, j'ai vécu. Je suis devenu. Et maintenant, maintenant que j'ai compris que ce n'était qu'une illusion, qui suis-je ? Que vais-je faire ?  Que suis censé faire ? Survivre ? Pourquoi faire ? J'ai perdu mon ailleurs ! J'ai perdu ce que j'étais pendant tout ce temps ! Si la chirurgienne est morte, que reste t-il ? Summer ? Mais je dois me rendre à l'évidence, Summer n'a jamais existé !

01.2007 / boston, massachusetts
Sirius est encore venu me voir avec des entailles partout. J'ai passé une demi heure à lui faire des sutures et des pansements. Pour se faire pardonner, il m'a offert un restaurant. On est allé chez l'italien en bas de chez moi. J'aimerais bien qu'il arrête de se battre. Mais quand je lui dis, il me regarde avec tendresse et il me dis que je suis adorable. J'ai envie de le frapper quand il fait ça. Je ne suis pas adorable, merde, je suis inquiète pour lui.
D'ailleurs, je crois qu'il est toujours un peu inquiet pour moi. Non, plutôt, il n'a jamais cessé de l'être depuis...l'incident... Je n'arrête pas de lui dire que tout va bien, que ça fait déjà six mois, que je dors, que je mange, que je ne sursaute plus dès que j'entends un bruit un peu trop sourd, que je ne vérifie plus dix fois ma serrure avant d'aller me coucher, mais il continue de s'inquièter pour moi. Il continue à s'en vouloir. Il pense que c'est de sa faute, tout ça, le kidnapping, la rançon, la police, le passage à l'hôpital (bon, c'est peut-être un peu de sa faute en vérité). J'aimerais bien qu'il passe à autre chose parce ça commence à devenir fatiguant quand on se voit, moi qui m'inquiète pour lui, lui qui s'inquiète pour moi.

12.2013 / orla, texas
C'est drôle, mais du plus loin dont j'arrive à me souvenir, j'ai toujours été très heureuse. Toujours. Comment n'aurais-je pu ne pas l'être ? J'avais une famille aimante, des amis attentionnés, un confort matériel certain et de grands rêves. J'ai ri, j'ai dansé, j'ai aimé, j'ai vécu. Oui, voilà, j'ai vécu. D'une belle vie, sans fausses notes, j'ai vécu. Irrémédiablement, de ma naissance dans ce grand hôpital de Boston jusqu'à ce jour, sur cette couchette, dans cette maison en ruines dans cette ville fantôme qu'est Orla, paumée au milieu du Texas, j'ai vécu. Et, contrairement à tant de gens, qui se perdent dans l'existence, j'ai vécu une vie douce. Il suffit, paraît-il, de regarder mes mains ou d'entendre mon rire pour le voir. Même aujourd'hui, alors que tout s'écroule, alors que j'ai tout perdu, la vie semble plus douce pour moi que pour tout les autres. J'ai toujours été très heureuse. Est-ce parce que j'ai toujours eu beaucoup de chance ?     

J'm'appelle pas. MUAHAHAHA.

« Gouvernante suprême de l'univers, j'aime, entre deux génocides, m'adonner à ce délicieux hobby qu'est le roleplay gaming, aussi connu sous le nom de RPG par les pécores et autres traînes savates.  
J'apprécie également égorger des être humains, prendre des bains de sang et passer du temps avec mon rhinocéros, Kikette » adopteunmec.com

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On te souhaite un bon amusement sur le forum ! À très bientôt !