« Vous êtes débiles tous les jours ou vous avez décidé de me faire chier spécialement aujourd'hui? » Les mots étaient lâchés, sans tact, sans retenue, alors que l'homme qui lui faisait face était un soldat de deux mètres, armés et de toute évidence prêt à user de sa force sur le petit bout de femme qui lui faisait face. Tout le monde était habitué à ses coups de gueule depuis le temps, tout le monde savait que lorsqu'elle voulait quelque chose, elle le disait, simplement, que ça plaise ou non.

SOLDAT ; « Cet homme est encore vivant, je ne l'ai pas ramené pour que vous le charcutier ... »
VEIGH ; « Il est dans le coma, ça peut durer des années, on va pas attendre des mois qu'il finisse par crever alors que son cerveau pourrait nous apprendre tout un tas de choses sur notre ennemi... C'est un host, vous n'auriez même pas dû le ramener ici vivant... »
SOLDAT ; « Le doc a dit qu'il était comateux et donc qu'il ne représentait plus aucun danger... »
VEIGH ; « Fantastique, et quand il se réveillera, si il se réveil un jour, on lui fait quoi? Un gâteau de bienvenue et une fête surprise? … Il ne nous sert à rien vivant et vous êtes trop proche de lui pour prendre une décision censée. »

Et ça, tout le monde l'avait plus ou moins compris. L'host allongé dans ce lit n'était autre que le grand frère de monsieur muscle. Ses émotions l'avaient conduit à désobéir aux règles de la cohorte en ne prenant pas la peine d'achever réellement sa cible, même si elle était presque morte, puisque dans le coma. Cela dit, tant qu'il persistait à le vouloir en vie, les études de Veigh restaient au point mort. Malheureusement, elle semblait être la seule à avoir un peu de jugeote et d'impartialité dans cette tente, puisque le grand chef décida de garder l'ennemie en vie pour l'instant, mettant en avant le fait que ça aurait pu être le frère de Veigh et qu'elle aurait sans aucun doute désiré la même chose, ce à quoi elle rétorqua froidement qu'elle n'avait que des sœurs et qu'elle ne les avait pas invités à son mariage avant de quitter la pièce. Des idiots, les militaires étaient tous des idiots, dirigé par leur stupide code de conduite, par leur honneur, leur sens des responsabilités et autres conneries du genre. La belle n'a jamais supporté ça, même chez son mari. Cet imbécile était prêt à mourir pour son pays et quand elle lui demandait simplement pourquoi, il rétorquait innocemment « Parce que c'est mon devoir » . La réponse la plus débile du monde. Le devoir au fond, c'est quoi? Un mot derrière lequel on se cache lorsqu'on commet les pires crimes? J'ai zigouillé un village tout en entier de clowns trisomiques, mais je le devais, c'était mon devoir, ils avaient des fleurs nucléaires épinglées au cul, enfin ça y ressemblait! Pff, le devoir c'est pour les faibles et Veigh en était la preuve vivante. Elle, elle vivait. Lui, il était mort, par devoir. À cette pensée la jeune femme laissa échapper un long soupire, passant les mains derrière sa tête tout en observant son « laboratoire » de fortune. L'époque où elle était financée par des milliardaires lui manquait atrocement, au moins, elle avait tout ce dont elle rêvait et un appartement de fonction en prime, sans parler du respect quasi mystique dont elle était la « victime » . À la cohorte, c'était à peine si quelqu'un comprenait ce qu'elle était en train de faire, alors qu'elle était celle le plus susceptible de sauver leurs miches. Mais bien sûr, si on ne porte pas un AK47 autour du cou, on est forcément « inutile » .

En parlant d'inutilité, par sa fenêtre, Veigh aperçu monsieur militaire quitter la « chambre » de leur invité, ce qui bien sûr lui donna une très mauvaise idée. Elle savait que c'était mal. Mais elle savait aussi qu'elle pourrait sauver bien des vies grâce au cadavre de cet host, alors la belle n'hésita pas, quittant son magnifique espace personnel pour jouer les ninjas de l'ombre, se faufilant jusqu'à l'arrière de la tente, discrètement, assez pour y entrer sans que personne ne s'aperçoive de quoi que ce soit. Ça avait du bon d'être petit.

Seule face au corps inanimé de cet host, le Docteur Savage hésita, se rapprochant lentement, observant à droite, puis à gauche, comme de peur qu'un être vivant se téléporte dans la tente par magie d'un seul coup. Elle devait le faire. Pour le bien de tous. Au fond, c'était presque son devoir non? Si l'armée pouvait cacher des génocides derrière leur sens du devoir, pourquoi ne pourrait-elle pas cacher le meurtre, d'un ennemi, de la même façon? D'ailleurs était-ce vraiment un meurtre étant donné qu'au fond, il s'agissait tout de même d'un ennemi?... Peu importe le terme. La seule chose certaine dans tout ça, c'est qu'il devait mourir et finir sur sa table d'opération le plus rapidement possible, chaque minutes étaient précieuses, pour le bien commun, pour son bien à elle. Armée d'une seringue remplie d'air, Veigh se stoppa à côté du quinquagénaire, il était exténué, faible, atrocement blessé et il ne survivrait surement pas plus de quelques mois, mais le temps était compté et elle ne pouvait pas attendre. L'aiguille se rapprocha de l'un des tuyaux reliés à cet inconnu, elle hésita encore un peu, jusqu'à finalement le faire, d'un coup sec, presque sans regretter.

La scientifique parvint à retourner jusqu'à sa tente sans se faire remarquer, il faisait nuit, la plupart des gens dormaient et les patrouilleurs ne se méfiaient pas vraiment des gens à l'intérieur du camp, facile de s'y promener. Elle eut du mal à s'endormir, à dire vrai, elle parvint à peine à fermer les yeux et lorsque le sommeil sembla pointer le bout de son nez, des hurlements la réveillèrent en sursaut. Veigh comprit que la mort de l'host venait d'être découverte, surement par son frère … « C'est elle qui l'a tué! » pouvait-elle entendre de l'extérieur, ce qui lui arracha un petit rictus. Alors, il la connaissait assez pour savoir qu'elle était capable de ça? C'était amusant, finalement, il n'était peut-être pas aussi stupide que la plupart de ses congénères? Évidemment, la mort paraissait naturelle , alors personne ne vint embêter la petite Savage, même si la rumeur enfla très vite, jusqu'à laisser place, quelques jours plus tard, à un autre ragot. Les tumultes de la vie en société... une façon comme une autre d'essayer de se persuader que les choses n'ont pas tant changé que cela. Ouais, après tout, l'humanité a juste été presque entièrement décimée et une race d'extraterrestre à prit le contrôle des survivants, hormis ça, c'est vrai que la différence entre le avant et après reste minime.


« Qu'est-ce que tu fais? » Lunette protectrice sur le bout du nez, longs gants en caoutchouc et blouse blanche, Veigh était prête à disséquer sa souris de laboratoire, c'est-à-dire un host fraichement tué. La règle était désormais simple à la cohorte, on ramène le corps d'un host ou deux de temps à autre et surtout, on évite de les shooter à la tête au risque de se prendre une latte dans le cu* made in Savage. Jusqu'ici, les règles avaient été plutôt bien respecter, comme quoi, même un hobbit peut imposer sa loi. « C'est rhétorique n'est-ce pas? Parce que j'ai quand même l'impression que ce que je suis en train de faire est plutôt clair... » À moins qu'elle ait un scalpel entre les mains dans le but de faire une manucure à son « patient » . « Je sais ce que tu es en train de faire... mais tu te fout de ma gueule ou quoi?... Maven est juste derrière toi... » Maven. Un petit gamin d'à peine un an, qu'elle avait récupéré lors de ses premières semaines de fuite en solitaire. Il était noire, seule raison pour laquelle elle l'avait prit avec elle. La belle a vu assez de films du genre pour savoir que le héros blanc qui adopte un marmot de couleur a 100% de chances de survie et pour le moment, ça marchait plutôt bien, même si elle n'était pas la meilleure mère du monde... pas techniquement en tout cas.

VEIGH ; « Il a six mois, comment veux-tu qu'il soit traumatisé par la vue de quoi que ce soit? Et il dort de toute façon... à moins que j'utilise une scie, je ne pense pas que ça soit un vrai problème pour lui. » Ce qui n'était pas vraiment faux.
AMIE PNJ SACRIFIABLE ; « C'est un enfant, on ne décortique pas un... cadavre à moins de trois kilomètres d'un gamin!  Tu ne veux pas que je l'emmène à la garderie? »
VEIGH ; « Non, je vais devoir aller le chercher après et toutes les mères me regardent comme si j'étais une cannibale qui bouffe des nouveaux nés... »
AMIE PNJ S. ; « Il n'aurait pas apprécié que tu fasses ce genre de chose... »

Veigh se stoppa net dans ses gestes durant une micro-seconde avant de finalement reprendre sa préparation comme si de rien n'était. Cette amie, elle l'avait retrouvé à la Cohorte, en vérité, elle était davantage une amie de son mari et que la sienne, mais elles se côtoyaient tout de même régulièrement, comme n'importe quel être civilisé. Depuis leurs retrouvailles, elles s'accrochaient l'une à l'autre alors qu'elles avaient du mal à supporter leur caractère mutuel, toutefois, je suppose que rester proche d'un visage connu était une façon comme une autre d'essayer de sauver le peu d'espoir qui subsistait en elles, comme pour se dire « finalement, TOUTE ma vie n'a pas été détruite » . Beaucoup de choses chez cette femme ne lui plaisaient pas. Son côté moralisateur principalement et cette façon constante qu'elle avait de toujours parler d'Abel dès que Veigh faisait quelque chose qu'il aurait désapprouvé. Elle savait ce qui c'était passé pourtant, elle savait que ce soldat de métier avait décidé de jouer les héros ce jour-là, abandonnant sa femme pour aller aider le plus de gens possible, dominé par son devoir. Il était le seul responsable, alors pourquoi trouvait-elle normal de le citer si souvent? La belle n'a jamais pardonné qu'il fasse un tel choix, qu'il décide de laisser sa femme se débrouiller seule alors que pour une fois dans sa vie elle aurait accepté, elle avait BESOIN, de son aide et de son soutient. Des putains d'aliens décidaient de faire un pique-nique sur terre et lui, il la laissait seule. Elle était peut-être pragmatique et en général peu expressif face au danger, mais elle restait humaine et le choc d'une telle attaque avait laissé une cicatrice au fond de son être, une plaie béante, une peur constante qu'elle n'arrivait pas à combler. Qu'était-il devenu? Elle l'ignorait. La dernière fois qu'elle l'avait vu, il lui ordonnait de quitter la ville, de ne prendre que le nécessaire et d'user de toute son intelligence pour ne pas se faire prendre. Il lui a donné une arme , l'a embrassé malgré ses coups et il a disparu dans la foule en panique. La Savage est partie, hésitante, au début, puis finalement poussée par le brouhaha et le danger ambiant. Lui il jouait les héros, aidait la veuve et l'orphelin au lieu de fuir. Elle, elle courait, ignorant tout le monde, femmes, enfants, vieillards (ses derniers étant ceux devant lesquels elle hésitait le plus étrangement) , plus personne n'avait d'importance. Et peut-être est-ce ça qui la fait le plus souffrir? Au fond, peut-être que ce n'est pas la forme de cet héroïsme qu'elle méprise, mais plutôt le fond, car en sauvant les autres, en se sacrifiant pour eux, sans hésitation, Abel l'a obligé à se rendre compte qu'elle n'était pas ce genre de personnes, qu'elle n'était ni courageuse, ni prête au sacrifice ultime pour le bien de tous et qu'elle resterait une pariât le reste de son existence. Veigh n'a jamais fait du mal pour faire du mal, elle n'est pas la plus bienfaitrice des représentants de l'humanité, c'est un fait, mais si elle est devenue scientifique, si elle a désiré étudier tant de domaines divers, c'était avant tout pour le bien-être de tous, pour sauver des vies et rendre le monde un peu meilleur, même si elle était prête aux pires crasses pour y arriver. C'est un héros à sa façon et malheureusement, on ne reconnaît qu'un type d’héroïsme, pas le sien.

VEIGH ; « J'ai une idée, va le chercher et on va lui demander son avis....... Haa mais c'est vrai, il doit être enterré sous un immeuble ou pire, être devenue un Host parce qu'il a voulu jouer les Captain America. Donc, a moins d'obtenir une demande expresse et en recommandé de son cadavre... au revoir. »

Sur ses mots elle détourna complètement son regard de cette « amie » , se remettant au travail. Cette dernière s'en alla, marmonnant dans sa barbe, comme toujours. Veigh commença sa besogne, après avoir quand même prit la peine de déplacer Maven dans une autre partie de sa tente. Elle comptait le faire depuis le début, mais elle détestait qu'on la pousse à faire quoi que ce soit, même si elle était d'accord avec la chose en question. Question d'orgueil et de « j'aime faire chier mon monde », surtout ça en fait.

Sa vie c'était ça maintenant, ouvrir des Host dans l'espoir de trouver un moyen de les désimplanter et surtout de trouver leurs faiblesses, se disputer avec une amie qu'elle n'apprécie pas, penser à ce mari qu'elle déteste tant, car il l'oblige à comprendre ce qu'elle est, emmerder son monde et bien sûr s'occuper d'un marmot dont elle n'a jamais vraiment voulu, mais qu'elle ne pourrait plus abandonner aujourd'hui. Sa vie a changé, comme tout à chacun, et pourtant, si on lui demandait, si on lui donnait la chance de retourner en arrière, elle ne serait pas vraiment certaine de le vouloir, peut-être trop contente, au fond, de pouvoir potentiellement devenir celle qui va sauver l'humanité.