Il  y a dix ans,


« Et donc, comme je te disais, j'ai trouvé ça dans un truc. » Dougie cherchait à cacher sa gène par son arrogance. La petite fille, debout en face de lui, le regardait de ses sombres yeux, avide de savoir où il voulait en venir. Cela faisait quand même plus d'une demi heure que le blondinet gesticulait dans tous les sens en commençant des phrases sans jamais les finir. Habituée à son impulsivité, elle croisait les bras contre sa poitrine naissante, attendant sagement qu'il se décide enfin à s'expliquer. «  Un truc ? » répéta t-elle simplement. Il hocha la tête, croisant un instant son regard avant de baisser le sien. « Ouais, un truc. » Le calme de la jeune fille s'insinue doucement dans l'hyperactivité de son ami, et petit à petit, la tension artérielle du garçon finit par descendre. « En fait, je l'ai pas trouvé... » si sa mère avait été là, il se serait sûrement fait reprendre sur sa négligence de négation pensa t-il, un peu rêveur, avant de revenir à cette fille qui se tenait devant lui. Elle était sa voisine d'en face, l'une de ses meilleures amies depuis le bac à sable. Malgré leur proximité – jouer à la pâte à modeler, et uriner dans des toilettes voisines rapprochent -  le blondinet n'était jamais aussi embarrassé qu'en sa présence. « Tu sais quel jour on est aujourd'hui ? » Il passe les mains dans ses poches, et contemple le trottoir. « Est ce que c'est une question piège ? » répond t-elle du tac au tac, malicieuse. Un sourire s'étire sur ses lèvres mais s'arrête vite lorsqu'elle croise le regard agacé de son ami. « Le 14 février, pourquoi ? » Il soupire, sort les mains de ses poches avant de les remettre, fait trois pas en avant pour reculer de quatre. « Alors j'ai entendu mes parents dire qu'aujourd'hui il fallait offrir un cadeau à ceux qu'on... » il se pince les lèvres, et elle en profite pour finir sa phrase. « Qu'on aime ? » Dougie, interloqué, fait un bond en arrière, ouvre les yeux en grands et lance un non, franc et symbolique avant de temporiser. « Je dirai plutôt...les gens qu'on...euhhh... Tu sais... les gens que... les gens qu'on supporte. » Un peu surprise et déconfite, la petite fille ne sait pas quoi répondre : était-ce même un compliment ? Dougie se lance alors à l'eau et lui sort un petit collier en guise de premier cadeau de valentin.

Il  y a presque deux ans,


« T'es presque plus jamais là, Dougie. » La petite fille avait grandi et s'était transformée en jeune femme séduisante. Dougie, lui aussi avait grandi et leur relation l'avait ressenti. Malgré qu'il lui fit chaque année un cadeau de Saint Valentin – tradition, voyez vous – jamais rien ne se passa entre eux deux. Peut être parce qu'ils n'osaient pas, de peur de gâcher leur belle amitié. Avec un an d'avance sur sa camarade, Dougie était parti du foyer depuis ses dix sept ans déjà pour suivre des études de chimie. Il ne savait pas trop quoi faire plus tard : mais s'amuser avec des liquides dangereux dans un laboratoire semblait être ce qui l'amusait le plus au monde. Elle, était restée dans sa chambre de petite fille, décidée depuis toujours à rester scotchée à sa ville de naissance. L'heure des règlements de compte avait sonné. « J'ai du boulot. » dit-il mollement. Lui, tout ce qu'il voulait c'était de profiter des heures qu'ils avaient ensemble, mais depuis quelques mois, ils passaient leur temps à se chamailler ce qui l'exaspérait. « Chaque week end tu dis ça ! Mais c'est pas vrai ! Tu crois que je ne les vois pas toutes ces photos de tes soirées ? Et de ces...filles ? » Pour la première fois les rôles étaient inversés : elle criait et lui la laissait s'énerver. « Et alors ? Tu sais que je ne travaille pas la nuit non plus. J'ai besoin de divertissement. » Elle hausse les épaules et s'énerve encore plus. « Du divertissement ? Mais quel misogyne ! Tu crois que les filles ne sont qu'un simple plaisir ? On est des êtres humains tu sais ! On n'est pas des jouets que t'utilises quand tu le décides, que tu jettes, que tu reprends et que tu recycles ! » Son calme apparent finit par se casser à mesure qu'elle profère autant de préjugés sur lui. Il s'énerve lui aussi, comme toujours. « Le « on » est général ou c'est juste toi qui a peur de parler en ton nom ? T'es chiante tu le sais ! Je ne t'ai rien promis. On est même pas fiancés, on est rien du tout. » Elle ouvre la bouche, surprise, alors qu'il fait un pas en avant, reconnaissant son erreur. « C'est pas ce que je voulais dire. » se reprend t-il. « Si, c'est exactement ça. Et si ce n'est pas ce que tu voulais dire, c'est en tout cas ce que tu penses Dougie. » Ce qui est pire pensa t-elle à la suite. Il baissa les yeux un moment, alors qu'elle ramassait ses affaires pour partir de là. Ils n'avaient plus rien à se dire après tout, tout était fini avant même d'avoir commencé. Elle part en courant et finalement il finit par la suivre, l'attrapant par le bras. « Tu m'énerves ! Je fais jamais rien d'assez bien pour toi. » hurla t-il spontanément. « Pourquoi t'es toujours comme ça avec moi ? » ajouta t-il. Elle baisse les yeux, décidée à être mutine pour la première fois de sa vie. « T'as perdu ta langue ? Tu agis comme une immature petite fille capricieuse et égoïste ! Je comprends même comment j'ai pu penser un jour que toi et moi on... » et Dougie ne finit pas sa phrase alors qu'elle se jette pour l'embrasser. Ce baiser ne dura que quelques secondes alors que la panique envahit Harrisburg, et sépara nos deux héros pendant presque deux ans.