Un pied... devant l'autre... un autre... se retourner arrivée au bout... recommencer... un pied... puis l'autre...
Debout sur une barrière en bois dont les échardes écorchaient vifs ses plantes de pieds nus, bras tendus pour garder l'équilibre, Summer profitait des quelques rayons de soleil, malgré la fraîcheur de ce début de journée. Après des mois passés à se terrer dans les entrailles de la terre, puis autant à fuir, souvent pendant la nuit pour prendre le moins de risques possibles, elle n'était plus habituée au grand air, à la lumière du jour. S'arrêtant au milieu de son perchoir, laissant lentement tomber ses bras le long de son corps, elle tourna son regard vers Orla, la ville fantôme. Ils n'étaient arrivés que quelques jours auparavant. Cela avait été un soulagement de découvrir ce petit ensemble de ruines, d'entrepôts vides et de cabanes branlantes, entourés par quatre barrières censées délimiter les frontières de ce bourg désert. Il n'y avait aucun bruit, sauf celui du vent qui balayait inlassablement la plaine. C'était leur maison maintenant. Leur foyer. « Notre foyer... » Le dernier endroit qu'ils avaient appelés comme ça, c'était le métro de Cincinnati. Le métro... l'attaque... Si elle fermait les yeux, elle en était sûre, elle verrait le mort, ses yeux vides, ses joues barbouillées d'un mélange de sang, de larmes, de poussière et de sueur, le trou dans sa poitrine. Summer secoua la tête. Il ne fallait pas qu'elle y pense. Il ne fallait plus qu'elle y pense. Reportant son attention sur le paysage, elle remarqua, un peu plus loin, un des soldats qui montait la garde. Le voir la fit penser à Sirius. Soudain, elle avait envie de le voir.

Quand elle la poussa, la porte grinça un peu. Elle entra rapidement, ferma derrière elle. Une fois à l'intérieur, ses yeux mirent un moment à s'accoutumer à la semi-pénombre. Le jeune homme avait pris soin de recouvrir l'unique fenêtre de sa nouvelle maison pour ne pas laisser entrer la lumière du jour. Une fois qu'elle put y voir un peu plus clair, elle le vit, allongé sur le ventre dans son lit, la tête appuyée sur son avant-bras à défaut d'oreiller. Sa respiration lui indiquait qu'il dormait assez profondément. Un moment, elle songea à le laisser tranquille, ne sachant depuis combien de temps il se reposait. Après tout, ses responsabilités en tant que soldat lui demandaient beaucoup d'énergie. Protéger un groupe de civils, pour la plupart incapable de se défendre par eux mêmes ne devaient pas être une mince affaire. Pendant qu'elle réfléchissait, elle resta immobile, appuyée contre la porte, ses deux mains crispés sur la poignée, ses yeux fixés sur le dos de Sirius qui se soulevait lentement et régulièrement. Finalement, malgré sa culpabilité certaine de le tirer ainsi du sommeil, Summer lâcha la poignée et, avançant sur la point des pieds pour faire le moins de bruit possible, s'approcha du lit, où elle s'assit le plus au bord possible. Elle retira délicatement ses chaussures et, après avoir pris une grande inspiration - consciente qu'elle s'exposait aux foudres de son ami - , elle s'allongea juste à côté du jeune homme, ses jambes contre ses jambes, son visage face au sien. « Sirius ? Sirius ? » chuchota t-elle, en secouant légèrement son épaule. « Tu veux pas te réveiller Sirius ? Parce que tout le monde dors, sauf moi, et je m'ennuie. Sirius ? Je suis désolée de te réveiller, tu le sais ça, pas vrai ?Tu m'en veux pas, hein ? Tu m'aimes quand même ? »