I'm a child princess and I say « Kneeling ! »

Je les détestaient toutes, elles et leurs robes cousues dans du tissus bas de gamme, leurs chaussures sales et leurs cheveux ébouriffés m'horrifiant à un tel point que je ne pouvais m'empêcher de faire une fixette sur tous les détails ingrats de leur apparence. Leur unique qualité était de m'apprécier et de reconnaître toute la beauté du monde dans lequel je vivais. Enfants envieuses elles restaient aveuglées par les paillettes d'un univers semblable à un compte de fée. Enfant gâtée, je me sentais comme sur un piédestal devant leurs regards émerveillés. Notre maison avait toujours suscité l'admiration des habitants d'Edenton et la plupart se réjouissaient à l'idée que leurs enfants puissent jouer dans un tel cadre. Maman s'était éprise du charme de la petite ville lorsqu'elle était enceinte et avait soudoyé Papa pour qu'il achète cette maison gigantesque. Alors abandonnée, celle-ci arborait à nouveau sa splendeur passée et le jardin morne qui ornait la bâtisse avait fleuris d'arbres et de plantes toutes plus belles les unes que les autres. Depuis petite je m'étais imaginé que cette vie luxueuse m'était dû et que les autres n'avaient plus qu'à se soumettre à mes envies. Sans doute le résultat de parents trop indulgents ajouté à la présence constante de domestiques. Si toutes ces idiotes s'étaient intéressées ne serait-ce qu'un peu à moi plutôt qu'au luxe qui m'entourait, elles se seraient rendus à l'évidence que je n'étais pas la meilleure des amies. Malheureusement pour elles leurs rêves de châteaux et de couronnes leur avait fait oublier l'essentiel.

Joanna, pour avoir mal coiffé mes cheveux, avait dû couper une mèche des siens.
Kaithlin, pour n'avoir pas voulu me prêter son "amoureux", s'était retrouvée enfermé une après midi entière dans le placard à balais.
Hannah avait quant à elle dû se rouler dans la boue pour avoir porté une robe plus belle que la mienne. Chose que je m'étais gardé de lui dire.
Le pire ayant été Peyton ; Mise à la porte pour m'avoir contredit.

Au fil des années l'ampleur de mes petits tours s'était intensifié jusqu'à ce que les parents alertés viennent se plaindre un par un des humiliations subies par leurs enfants. Peu à peu le grand jardin s'était vidé, me laissant seule à mes jeux et mes complots tout en me faisant prendre conscience que même si je n'avais apprécié aucune d'entre elles, leur présence m'avait jusqu'alors préservé de l’ennui.

I'm The Manhattan's Queen

Être aller vivre à Manhattan avait été une bouffée d'air. J'avais quittés tous ces chuchotements menaçants me poignardant par derrière à chaque mot. Avec le temps ces enfants envieuses qui rêvaient d'un palais et d'un prince étaient devenues aussi mesquines que leur tyran; alors que l'enfant gâtée qui les avaient fait pleurer dans le passé avait gardé son titre. Les jeux d'enfants avaient laissés place aux jeux de grands. Des jeux destructeurs. La jalousie faisait mal. Je continuais de les mépriser, tous, me mettant à dos toutes ces campagnardes conservatrices qui ne verraient jamais plus loin qu'au travers de leurs fenêtres. Je ne rentrais que parfois pour voir ma mère, mon père siégeant la semaine à New York pour faire marcher ses affaires. Il m'enseignait ce monde en parallèle de mes études, me laissant participer à toutes ces soirées mondaines qui étaient d'un ennui mortel pour beaucoup. Je devais être une des seuls à m'y plaire, reportant chaque fois un peu plus mes visites à Edenton. Cinq années sans réel intérêt pour le premier inconnu. Elles n'en restaient pas moins importantes à mes yeux malgré les quelques fausses notes qui avaient entravé leur parcours.

A 23 ans je ne pouvais prétendre connaître assez le monde pour en déjouer les pièges. Par soif de danger j'avais aveuglément posé mes yeux sur lui. Ce n'était qu'une aventure. De celles que l'on croit cachée aux yeux de tous et qui pour cette raison ne représentent rien. Il travaillait pour mon père et était marié, mais son alliance ne représentait rien pour moi. J'avais Kyle, mais je l'avais finalement quitté pour me délester du remord que je ressentais après l'avoir trompé. Sans rêve de continuité je commençais à me sentir importante avec lui, ne m'imaginant pas que je me heurterais à la vérité : Ce n'était pas lui l’amusement mais moi. Blessée de cette révélation j'avais menti, me retranchant vers la seule personne qui m'avait jusqu'alors tout donné, mon père. Pour tout le monde il avait passé des semaines à me harceler jusqu'à arriver à me faire céder. Un mensonge qu'il ne pouvait argumenté que de sa parole. Il avait finalement perdu son travail et par les rumeurs fondées sur notre relation, sa femme. Quant à moi je me sentais soulagée d'avoir inversé les rôles. Un sentiment qui fût vite de courte durée devant l'ampleur qu'avait prit cette histoire. Comme seule solution j'avais quitté quelques mois Manhattan pour me réfugier en Europe. Personne n'avait été au courant de mon départ avant que je n'arrive sur le continent. A mon retour, un an après, tout avait reprit son cours comme si rien ne s'était jamais passé.

I'm wasting my young years ♪

Foutue fin du monde. Foutus aliens. Foutues Illusions. Foutue cohorte. Foutus connards. Foutues boites de conserves. Foutu instinct de survie. Foutus morts. Foutus vivants.

Ça leur apprendra à regarder des séries sur la fin du monde. Quitte à choisir j'aurais préféré que des vampires apparaissent. Ils auraient au moins eu le respect de ne pas nous utiliser comme des slips à enfiler. Après un an ça n'avait de toute façon plus aucune importance. J'avais vu mon père se faire prendre. J'avais vu Edenton aussi désertique qu'une ville abandonnée. Tout ce chemin pour me conforter dans l'idée que je n'avais plus rien de mon ancienne vie. J'avais au moins la satisfaction de savoir que toutes ces pimbêches aux robes mal découpées s'étaient elles aussi faites attrapées pour me consoler de ne pas avoir pu dire au revoir à ma mère. On ne quitte jamais les gens de la façon qu'on le souhaiterai. Il n'y avait plus que la cohorte maintenant. Cette pseudo compagnie qui m'accompagnait depuis de trop longs mois. Sans elle je n'aurais pas survécu longtemps. A eux seuls ils n'avaient rien d'extraordinaire. Mais au moins ils étaient là.

I'm DAWVEGER