Il y a un moment dans la vie d'un enfant. Un instant précis. Celui où l'innocence n'est plus. Ces quelques secondes de conscience qui traverse un esprit candide. C'est un chemin qu'on prend un peu au fil du hasard, qu'on sait être la mauvaise route. Et puis, on découvre qu'il est impossible de le rebrousser, ce chemin. On est simplement arrivé. C'est là. Ancré dans l'esprit à jamais.

Elle avait six ans. Peut-être sept. Assise sur le matelas moelleux, emmitouflée dans une couverture, seule sa respiration traversait la pesanteur de l'air environnant. La chambre était baignée de lumière, d'une lumière bienveillante. Celle du petit matin. Pourtant, elle était triste. Peut-être même pleurait-elle en cet instant précis, tandis que l'astre du jour envoyait ses flèches dorées balayer la douceur de son visage. Bientôt, dans l’entrebâillement de la porte se présenta une silhouette familière. Elle la sentit toute proche, elle perçut sa respiration régulière. Elle devina sa prestance féminine. Mais ce n'était pas à elle qu'elle pensait. Ce qu'était pas elle qu'elle voulait tout près d'elle. Elle. N'était plus. S'était enfuie. Avait tout abandonné derrière elle. La carrière trop lourde d'un ami trop ambitieux. La petite maison en banlieue dont elle avait toujours rêvé. Les dimanche passés en famille. Les cafés partagés avec les amies. Le bébé qui dormait profondément dans la pièce d'à côté. Elle s'était sa mère. Dont elle ne gardait que les clichés qu'elle pressa très fortement contre son cœur. Sa tante, immobile, paralysée contre le chambranle de la porte, sentit tous ses organes faillir sous l'émotion. Elle fit quelques pas, s'installa sur le matelas. Le lit grinça, mais personne n'y prêta attention. Alors, la gamine releva les yeux. « Que se passe-t-il, Bronte ? » La petite ne répondit rien. Elle fondit en larmes, s'accrocha au cou de sa tante comme si elle était sa bouée de sauvetage. Au fond, n'était-ce pas, elle, l'ultime lien qui la rapprochait de sa mère ?

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La nuit était tombée depuis plusieurs heures. Dans la rue, tout était silencieux, sombre, mort. A l'exception de deux silhouettes penchées sur le capot d'une voiture, d'un corps frêle et emmitouflé dans un pull ; d'un corps sec et musclé, d'une tête penchée. A l'exception de la lumière diffusée au-dessus d'eux, telle l'épée de Damoclès qui s'abattra sur leurs âmes quelques années plus tard. Et la voix s'éleva soudainement. Brisant le silence. Mille morceaux invisibles s'éparpillèrent sur le bitume froid. « Hmm, ça vient des bougies. » L'homme laissa s'échapper un souffle d'entre ses lèvres. Un souffle contaminé. La nicotine apaisa immédiatement le feu de ses veines. Il jeta un coup d’œil assuré à sa fille - car le corps frêle, c'était elle, la chair de sa chair. « Tu en es sûre ? » Elle eut un mouvement d'épaules, inspecta une dernière fois le capot. Puis se redressa vers son père. « Eh bien... Oui. » Le regard qu'il lui jeta la rappela immédiatement à l'ordre. Il avait un visage complexe, les nuances étaient difficilement déchiffrables. Pour un inconnu. Or, elle, elle les connaissait par coeur, ces rides qui se plissaient sur son front lorsqu'il gardait son sérieux. Elle reconnaissait cette veine qui frappait sur sa tempe, alors qu'il esquissait déjà un sourire complice. Elle se redressa de tout son long. Droite, fière. Comme il lui avait appris à être. « Affirmatif. » Le visage de Daniel se fendit d'un grand sourire, sa main vint ébouriffer les longues mèches brunes, et il lâcha les cinq mots magiques. « Je suis fier de toi, BB. »

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Elle n'avait pas grandi tordue. Ni même faible. Elle avait grandi comme tout un chacun. Et peut-être avait-elle même eu de la chance. Elle avait une famille imparfaite, qui tentait néanmoins d'être là. Élevée par la sœur de sa mère et un père militaire. C'était une drôle de famille et, en conséquence, elle était devenue un drôle de brin de femme. Frêle d'apparence, elle n'était pas un de ces gros arbres, elle n'était pas un chêne centenaire. Elle était un roseau. Rien ne la déracinait. Elle se pliait aux caprices du temps, puis retrouvait sa forme initiale. Elle était forte et déterminée. Fière. Arrogante. D'ailleurs, arrogante, elle l'était à cet instant précis, tandis que l'homme face à elle tentait de comprendre la situation. « J'aimerais que vous appeliez le propriétaire. » répéta-t-il en butant sur quelques mots, visiblement mal à l'aise, tandis qu'elle dardait sur lui un regard hautain. Elle ne répondit cependant pas immédiatement, sentant qu'il n'avait pas complètement terminé. « C'est que ma voiture... C'est un vieux modèle. Collector. J'y tiens beaucoup et j'aurais aimé que ce soit un... » Elle rebondit aussitôt, lâchant le chiffon plein de cambouis sur lequel elle venait d'essuyer ses mains. « Un homme qui y touche ? » Elle prit une mine dépitée, haussa les épaules. « Je comprends votre déception. Le problème, c'est que vous êtes chez Bartlett Motors, et que je suis Bartlett. C'est moi le propriétaire. » Elle prit une pause, lui rendit les clés de sa satanée voiture. « Mais je ne suis certainement pas l'homme (ni la femme) qui réparera votre poubelle. Bonne journée. »

BB. Bébé. Deux lettres, deux syllabes. Une tromperie, un mensonge, une imposture. Un surnom qui cache toute la subtilité d'une fraude aux mille-et-une nuances. Je n'ai rien d'une enfant, sinon les longs cheveux soyeux. Je n'ai rien d'un nouveau-né, sinon les cris déchirants. C'est un doucereux surnom, qui roule sur la langue et claque dans l'atmosphère menaçante. C'est gentillet, c'est charmant, doux et sucré. Mais c'est une imposture, un mensonge, une tromperie. Car ma peau n'est plus de soie. Elle est de verre brisée.

Bon, bah... Je tiens à dire que je suis pas douée pour ça, par contre.  Je m'appelle Rose, mais appelez-moi Rosie.  J'ai vingt-deux ans depuis une semaine, je ne porte jamais de rose et j'aime trop les pulls douillets.  Puis, aussi, les blagues toutes pourries me passionnent. :gni: Une dernière chose ? Votre forum, c'est de la bombe en cannette, et j'espère bien m'intégrer par ici.