Cela faisait combien de temps que j’étais dans la nature ? Je n’en avais aucune idée à vrai dire. Et ce n’est pas ce qui m’intéressait non plus. Je suis en zone découverte, cela m’inquiétait et je n’étais pas le seul en fait. La voix dans ma tête aussi est inquiète. Il me laissait tranquille pour le moment et je dois avouer que c’est reposant, mais je sais que cela ne va pas durer. Il me déteste et je ne sais absolument pas qui il est. Je ne sais pas où je suis non plus et je regarde autour de moi. Je me dirige vers un endroit un peu plus cacher, je n’ai pas envie qu’on me retrouve. J’arrive un peu mieux à marcher sur mes deux jambes, mais je trouve ça plus pratique de m’enfuir en utilisant mes jambes pour me propulser en avant, me rattrapant avec les bras. J’ai pas mal de force, j’en suis bien content. Déjà que je suis raté alors si en plus il fallait que je sois faible… Mais tu es faible, me dit la voix dans ma tête. Je la secoue, j’étais bien sans ses interventions. Je suis déjà fatigué de tout cela, j’ai eu accès à quelques-uns de ses souvenirs et j’ai vu une vie que je ne soupçonnais pas. Il avait de la famille et son désire le plus cher est de les protéger. Je ne connais pas ce genre de désir, je suis trop jeune, je suppose. J’ai juste envie de vivre moi aussi. Je ne veux pas mourir. Et vivre au détriment des humains, cela te va ? Encore cette voix… Je la déteste, je ne veux plus l’entendre, mais il est là, avec toute la rage dont il peut faire preuve, à tenter de me dompter, sans doute pour reprendre le dessus.

Je ne le laisserai pourtant pas faire, c’est mon corps maintenant. Mes mains, mon visage, mes jambes. C’est à moi tout ça. On m’a offert ce cadeau sans doute empoisonné, mais il s’agit de mon corps. Je dois le dompter, apprendre à le connaitre, à connaitre chaque douleur, apprendre à en prendre soin pour ne pas le laisser dépérir. Lui donner de l’énergie pour qu’il ne soit pas faible. Je découvre la vie des humains et je découvre que je peux vivre sans maladie. J’étais bien sans toi, j’avais une vie… Encore et toujours cette voix. Mais pourquoi je ne peux pas faire demi-tour de toute manière, c’est trop tard. On ne peut pas faire demi-tour, il va falloir qu’on apprenne à vivre ensemble. Non, tu as le choix, laisse-toi mourir et on disparaitra tous les deux. Je préfère mourir plutôt que de voir mon corps entre les mains d’un monstre. Je me prends la tête entre les mains, je ne veux plus l’entendre. Un bruit me fait cependant sursauter, je ne sais pas du tout d’où ça vient et une peur panique me prend au ventre. Et si c’était un humain hostile ? Ou un autre host qui cherche à me récupérer ? Je tremble à cette idée, je ne sais pas pourquoi j’ai autant peur de leurs regards, sans doute parce que je sais que je suis raté et que je suis une abomination de la nature. C’est bien que tu t’en rendes compte, au moins tu ne te voiles pas la face comme les autres bestioles dans ton genre. J'ai envie de grogner mais je me retiens de faire le moindre bruit, je tente de sentir l'air pour savoir qui cela peut être mais l'odorat des humains est tellement peu performant que je sens juste un léger parfum qui se mélange à celui de la poussière.

Cela faisait un petit moment que la cohorte avait quitté les dédales du métro, essayant tant bien que mal de survivre à l’air libre. Jusqu’à présent il fallait avouer qu’ils s’étaient plutôt bien débrouillés ! Dans cet environnement bien plus hostile, Eileen se sentait tout de même bien plus utile que sous la surface de la terre. Le temps qu’elle avait passé à vagabondé lui avait procuré une grande expérience, plus que la plupart des survivants d’ailleurs… Elle se sentait utile en ce moment, et ça lui faisait le plus grand bien !

Aujourd’hui, elle s’était quelque peu éloignée du groupe pour partir à la recherche de vivre mais surtout pour assouvir son besoin de liberté.  Malgré le danger, vivre confinée pendant plusieurs mois avait été extrêmement oppressant. Sentir le vent sur la peau, l’odeur de la poussière soulevée par le vent… Un véritable bonheur, même pour la plus urbaine des filles !
Eileen avait quitté une zone couverte pour arriver dans une grande plaine. Son cœur se mit à battre bien plus fort dans sa poitrine. Ce n’était vraiment pas prudent de s’aventurer par-là. La belle eu donc un mouvement de recule et écrasa une brindille dont le craquement lui fit ressentir l’effet d’une détonation. Elle avait un mauvais pressentiment. Une boule se formait dans son estomac et elle sentait son souffle court. Déjà ses mâchoires s’engourdissaient. Non, non, il ne fallait pas qu’elle fasse une crise de tétanie maintenant ! Pas alors qu’elle était seule et sans défense ! Elle avait bien toujours avec elle le couteau qu’elle avait subtilisé dans sa fuite, mais quelle en était l’utilité si elle ne pouvait plus bouger ?

Eileen dû prendre sur elle pour se remettre en mouvement mais quelque chose attira son attention. Un peu plus loin, il y avait quelqu’un. Une nouvelle fois son cœur s’emballa. Mais l’individu paraissait plus mal en point qu’autre chose. Reprenant un peu ses esprits, elle s’approcha. Vu son état, ça ne devait certainement pas être l’une des vermines. Alors, doucement la belle s’approcha. Mais alors qu’elle allait lui adresser la parole, s’enquérir de son état, elle s’étrangla. Elle le connaissait !

« Ma…Mael ? Mael, c’est toi ? »

Un petit bruit, il y a quelqu’un. Ami ou ennemi ? Tu penses vraiment avoir des amis ici ? Tu es loin de ta famille. C’est vrai, on est vraiment loin de là d’où je viens, tellement loin. Mais peut-être est-ce un Host qui traine dans les environs ? Mais je ne suis pas certain qu’eux aussi soient gentils avec moi. Je pense qu’ils vont surtout être du genre à vouloir me ramener là-bas pour me surveiller. Mon stress augmente un peu, on dirait qu’elle se rapproche doucement de moi et je recule un peu, je ne veux pas qu’on me voie. Je ne veux pas qu’on sache que je suis raté. Et moi je ne veux pas que tu tombes sur un de mes amis. Vas-t’en ! La voix dans ma tête me fait peur et je fais un mouvement de fuite quand une voix se fait entendre. Mael ? Mais… C’est moi qu’elle appelle. Je me tourne vers elle et je vois son visage. Une femme qui ne m’est pas inconnue. Un nom est hurlé dans mon esprit, Eileen. Elle se nomme Eileen et la personne dans ma tête semble la connaitre. Je ne sais pas trop quoi faire et je la regarde de haut en bas, ma peur augmentant peu à peu. Je recule un peu, mais il faut que je me reprenne sinon elle va se douter que quelque chose. C’est trop tard, tu sais ? Je ne suis pas un fuyard, toi si. Tais-toi, tais-toi ! Je me retiens de prendre de nouveau ma tête dans mes mains et je fais mine de me reprendre. Je me redresse un peu pour ne pas paraitre trop animal et j’ouvre la bouche pour tenter de parler. Je ne sais pas si j’en suis capable et un son en sort :

« Eileen… »

Je suis surpris de pouvoir communiquer, je n’avais jamais essayé avant. Cela veut dire que je vais pouvoir me fondre dans la masse. Me cacher encore plus pour ne pas qu’on me soupçonne. Tu crois vraiment que ça marchera ? Vas te vendre aux humains qu’ils me libèrent de toi. Mais si je fais cela, tu vas mourir aussi. On ne peut pas me séparer de toi et ce corps est à moi maintenant. Ce n’est pas possible qu’un humain le reprenne. Alors on mourra tous les deux si c’est le prix à payer. Et recule d’elle, laisse-la, monstre. Ce que j’entends m’est très désagréable et je ne sais pas si je dois obéir ou non. Je suis totalement perdu, mais il faut que je me reprenne.

« Eileen, c… C’est moi, oui. »

Menteur ! Menteur ! Menteur ! Laisse-la tranquille ! Ne lui fais rien ou… Tu ne peux rien faire contre moi, tu n’es qu’une voix. Je ne veux pas lui faire de mal, je veux juste m’en sortir vivant. Les humains sont cruels avec nous, je ne veux pas mourir. Peut être aurais-je du rester chez moi… Avec lui qui devait m’apprendre à me fondre dans la masse, à devenir un Host comme les autres. Je m’en veux d’être partir, mais je ne peux pas faire demi-tour, j’irai peut être le chercher plus tard, mais pour l’instant, il faut que je trouve un moyen de partir sans qu’elle ne me fasse de mal. Je n’ai pas l’intention de la blesser, mais si elle s’en prend à moi, je me défendrais.

Eileen restait interdite devant Mael. Elle ne le connaissait pas vraiment bien. Ils s’étaient simplement croisé dans la cohorte pendant les repas ou lorsque la jeune femme gardait  quelques uns des frères et sœurs du garçon. Du moins, ils avaient assez échangé pour que la belle brune connaisse son attitude et sa manière d’agir. Autant dire que la réaction de Mael la laissait plutôt perplexe. Puis enfin il ouvrit la bouche, prononçant son nom. Il semblait surpris d’entendre sa propre voix. Il sembla reprendre contenance et reprit la parole. Un frisson parcourut le dos d’Eileen. Quelque chose n’allait pas. Mael avait disparut pendant l’attaque de la cohorte, la belle en était certaine. Sinon ils se seraient recroisés ! Certaines personnes étaient allées fouiller les alentours à la recherche de quelques survivants qui auraient pu prendre d’autres issues du métro. Mais aucunes traces du garçon… Après tout, il aurait pu échapper à la cohorte… Eileen s’agenouilla près de lui. L’observant avec insistance. Son cœur battait toujours aussi fort dans sa poitrine, ses mains étaient moites. En un mot elle avait peur. La belle avait cru qu’elle pourrait se débrouiller toute seule, venir en aide à la cohorte comme Hunter l’avait fait pour elle. Mais au final elle était transie de peur dès qu’elle croisait quelqu’un ou qu’elle entendait un bruit suspect. Si seulement elle savait se défendre aussi…

« Comment tu t’es échappé ? »

Ses yeux dorés étaient toujours rivé sur le visage de Mael. Il y avait comme un poids dans son estomac. Se souvenir de la terrible nuit était quelque chose d’affreux pour la jeune femme. Elle en gardait même encore quelques séquelles. Notamment de gros bleus violacés sur ses bras.
En tout cas, quelque chose clochait, elle le sentait. Mais elle n’aurait su dire quoi. Peut-être se faisait-elle juste du souci pour rien ? Après tout, tout le monde ne vivait pas en communauté et elle aussi avait bien passé du temps à vagabonder… Mais c’était vraiment étrange que le garçon soit seul. En plus il avait l’air de ne pas aller vraiment bien. Où était ses frères et sœurs ? Tellement de questions se bousculaient dans l’esprit de la jeune femme...

J’avais l’impression qu’elle n’était pas dupe vis-à-vis de mon comportement. Elle était loin d’être naïve. Les humains semblent bien plus conscients de la situation que ce que je pensais. Tu nous prenais vraiment pour des abrutis ? Pathétique. Je frissonne de rage, mais je ne dois rien laisser transparaitre. Il faut qu’elle pense que je suis tout à fait normal. Elle se rapproche de moi, recule… Je sens qu’elle a aussi peur que moi et je me demande si cela ne pourrait pas m’aider à reprendre le dessus, après tout, je suis sans doute plus fort qu’elle physiquement… Tu es lâche… Ne t’attaque pas à elle ! Tu n’as pas besoin de t’en prendre à elle, barres toi. Mais si je m’en vais, ne risque-t-elle pas de me suivre ? Je ne sais pas du tout quoi faire et cette fois, la voix se tait. Des souvenirs me reviennent peu à peu, elle s’occupait de la famille de mon corps. Je puise dans les souvenirs de Mael pour en apprendre plus sur elle, mes rapports avec elle, mais je ne comprends pas pourquoi cela semble bloqué… Si tu crois que je vais te laisser te servir dans mes souvenirs comme ça… Encore lui ?! Il ne me laisse donc jamais tranquille. Laisse-moi faire, je te promets de ne rien lui faire, mais laisse-moi me défendre. J’en suis presque à le supplier et sa voix me tire de ma rêverie. Elle est proche de moi maintenant, agenouillée tout proche de moi. Son parfum me vint aux narines, la distance était suffisante et j’en vins à maudire le si faible odorat des humains, car j’aurais pu la sentir de loin, elle sentait tellement… l’humain. Une odeur qui ne m’était pas désagréable, étrangement. Elle était différente de celle des Hosts, je ne savais même pas pourquoi. En la voyant devant moi, j’avais envie de la suivre pour retrouver les humains. J’avais envie de les observer, mais ma peur était bien trop grande. La peur de mourir, la peur de disparaitre et de n’être moins qu’un souvenir. Je ne veux pas m’en aller comme cela, comme si je n’étais rien. N’est-ce pas normal de ne pas vouloir disparaitre ? J’aurais dû mourir, maintenant que je suis sauvé, il faudrait que je meure ? Ils t’ont tué Mael, je ne suis pas responsable de ce qu’il s’est passé, je veux juste vivre. Je me rends compte à ce moment-là que  je n’ai pas répondu et je réfléchis un instant à ce que je pourrais lui dire… Comment me suis-je échappé ? D’après ce que je sais, Mael s’est fait chopper par les Hosts et je suis arrivé juste après. Du coup, techniquement, je ne me suis pas échappé… Et non, un salopard m’attendait sans doute. J’espère juste avoir réussi à buter la bestiole qui a pris Hailie. Je ne sais pas quoi répondre, sa haine est compréhensible et je ne sais pas ce qu’il est arrivé à l’Host sur qui il a tiré. Je me demande si elle est morte ou non et je finis par répondre, après voir un peu reculé :

« Un coup de chance… Oui, j’ai eu de la chance. »

Mais ce qui est bizarre, c’est que je n’ai plus d’arme et j’ai d’autres vêtements qui semble en mauvais état, mais moins que si je m’étais battu. Ce sont des habits volés à la cohorte, ils me les ont mis parce que ceux de Mael étaient tachés de sang, j’aurais été trop suspect. Je me relève doucement pour reculer encore un peu et ma démarche est belle et bien plus animale qu’avant. Je n’ai pas fait attention, mais elle a dû remarquer ce petit détail. Je sais aussi qu’il vaut mieux que je ne me retourne pas, elle pourrait peut-être voir la cicatrice encore rouge que j’ai à la base du crâne, ils ont un peu rasé les cheveux à cet endroit-là, il y en a encore pour cacher, mais moins qu’avant. C’était idiot comme stratégie, mais ils n’ont pas eu le choix. Demande-lui comment va ma famille, j’ai besoin de savoir. Et pourquoi ferais-je ça ? Tu n’arrêtes pas de t’en prendre à moi en me disant que je suis une atrocité de la nature. Tu me demandes un service maintenant ? Fais-le, ne discute pas. Si tu le fais, je serai plus gentil, je suppose. Tu promets ? Je n’obtiens pas de réponse, mais j’ai accès à d’autres informations dans ses souvenirs et je visualise les noms de ses frères et sœur. Hailie est une Host, Eileen ne doit pas savoir où elle est et cela ne semble pas intéresser mon hôte. Aiden est le plus âgé, il était apprenti soldat lui aussi et il est allé se battre avec les autres. Jayce est le plus jeune des frères et il passait le plus clair de son temps à tenter d’aider les gens de la cohorte, il semblait doué de ses dix doigts. Neve est une des sœurs de Mael, elle est plus âgée que Cathleen qui est la plus jeune. Je me demande où elles sont et je demande, doucement, obéissant au vœu de Mael :

« Est… Est-ce que tu sais ce qu’il est arrivé à ma famille ? Aiden n’a pas été blessé ? Et Jayce ? Dis-moi que Cathleen va bien et que Neve n’est pas partie tête baissée dans les ennuis. »

J’attends une réponse, je me demande si elle va me répondre ou si elle va trouver que je suis trop bizarre pour avec une vraie réponse.

Eileen scrutait avec toujours autant d’attention le visage du jeune homme. C’était certes très impoli mais bon pendant la fin du monde qui peut bien se préoccuper de ça ? Dans un tel contexte, on ne pouvait se fier à personne sans être totalement certain de l’identité et des intentions d’un individu. A l’heure actuelle, la danseuse regrettait d’être restée dans son coin à se morfondre du départ de Hunter. Bon, elle passait aussi du temps avec Léon, mais en dehors de ça elle ne s’était pas liée avec grand monde à la cohorte. Elle se sentait bien stupide… Si seulement elle avait un peu plus discuté avec Mael au lieu de simplement lui dire bonjour et au revoir, elle aurait pu dire ce qui clochait dans son comportement. « J’ai eu de la chance. » Ils avaient tous eu de la chance. Pour le coup ce n’était vraiment pas une réponse convenable, mais la belle ne fit aucune remarque. Dans son esprit, les liens commençaient à se créer. Les vêtements du garçon étaient certes sales, mais comparés à ceux d’Eileen ils paraissaient presque propres. Pour quelqu’un vivant dans la nature depuis un moment c’était vraiment étrange. L’esprit de la jeune femme se contenait pour ne pas penser l’évidence, pour ne pas mettre de mots sur ce qu’il était. Soudain il se releva. Doucement certes, mais ce mouvement provoqua un sursaut de panique chez Eileen qui se redressa rapidement et recula de quelques pas, portant la main sur le couteau qui pendait à sa ceinture, sans pour autant le dégainer. Il y avait quelque chose dans sa démarche, dans ses mouvements… Quelque chose d’étrange. « Comme Roxanne ! » Cette pensée paralysa la jeune fille. Son cœur battait à tout rompre. Etait-elle tombée dans un piège ? Elle aurait pleuré de sa bêtise si elle n’était pas autant terrorisée. Quoi que… Peut-être que si elle ne changeait pas de comportement, Mael ne remarquerait rien ? En tout cas, il continuait à essayer de tromper la danseuse en posant des questions. La voix un peu moins sûre, Eileen lui donna les informations qu’elle possédait :

« Aidan et Neve vont biens. Même s’il a été un peu blessé. Rien de grave. Par contre Jayce et Cathleen ont disparut. Ils ont dit qu’ils partaient à ta recherche »

Partir à ma recherche ? C’est mauvais ça. C’est très mauvais. Il va falloir que je fasse attention. Il faut qu’on les retrouve ! Ils sont capables de se mettre dans une situation très délicate ! Je ne peux pas partir maintenant, je te rappelle qu’il y a une humaine devant moi et je crois qu’elle a compris ce qu’il se passe. Je la scrute, me demandant quand même pourquoi elle m’a répondu. Mes yeux se posent sur la ceinture de la jeune fille et je vois qu’elle a un couteau. Je ne suis pas armé et je ne compte pas me battre avec elle. Je veux juste me barrer d’ici, mais je me sens bizarre. J’ai envie de la suivre et je recule d’un pas, ne comprenant pas ce qui se passe dans ma tête. Qu’est-ce que tu fais ? Laisse-moi ! Je ne fais rien du tout ! Je panique un peu, je me sens vraiment bizarre, mais je fais tout pour que ça ne se voie pas. Je ferme les yeux quelques secondes avant de les ouvrir de nouveau, je ne peux pas me retrouver les yeux fermés devant un humain. Mes yeux scrutent de nouveau la jeune fille et je tente d’évaluer sa force. Je pense pouvoir fuir si jamais elle m’attaque et je ne pense pas me tromper en me disant que j’ai des chances d’avoir le dessus. Elle semble déboussolée. Elle n’est plus dans la cohorte non plus. J’aimerai savoir ce qu’il s’est passé… Je ne peux pas lui demander cela, si j’ai raison et qu’elle se rend compte de qui elle a devant elle, elle refusera de répondre. Mais… Laisse-moi faire, je vais tenter quelque chose. Je ne suis pas certain que cela fonctionne, mais peu importe.

« Eileen… Tu as deviné, n’est-ce pas ? Je le vois dans tes yeux. Je vais te poser une autre question, je ne vais rien te faire. »

Je ne suis pas certain que cela fonctionne, mais c’est une technique. Laisse-moi faire, je t’ai dit, plus vite je m’en vais et mieux je me sentirai. Elle doit voir que j’ai aussi peur qu’elle, mais je ne tiens pas à lui dire que mon implantation n’a pas fonctionné. Il va falloir que je trouve un moyen de me sortir de ce mauvais pas même si je pense ne pas avoir trop de mal avec elle. Ce que je ressens est cependant très étrange, j’ai envie de lui faire peur et de la suivre. L’acculée dans un coin et… Et puis rien en fait. Hum… Tu es sur que tu n’es pas un traqueur d’humain ? On m’a peut-être conditionné pour cela. Ce n’est pas impossible, mais ce n’est pas très important pour l’instant. Je reprends la parole :

« Qu’est-ce qu’il s’est passé pour la cohorte quand les host sont partis ? Réponds à ma question, s’il te plait. »

J’ai parlé avec douceur, je ne veux pas qu’elle se sente agressée. Je veux juste en savoir plus sur ce qu’il s’est passé. Enfin, Mael veut savoir, je ne sais pas du tout ce qu’il s’est passé, je n’étais pas en état de me rendre compte de ce qu’il se passait de toute manière. Que s’est-il passé ? Je ne veux pas répondre, attendant une réaction de la jeune fille en face de moi, restant à une distance de sécurité d’elle.

Eileen ne savait que faire, elle n’osait bouger même si elle savait que d’ici quelques secondes il serait trop tard pour prendre la fuite. La française observait toujours avec méfiance Mael, l’esprit pleins de doutes. Et puis il avoua… Cette simple phrase glaça le sang de la jeune fille. Que devait-elle faire ? Eileen observa rapidement le garçon. S’il avait certainement l’avantage de la force, il n’était néanmoins pas armé et la belle était certaine de pouvoir facilement le distancer à la course. Mais était-ce raisonnable de s’enfuir ? S’il la suivait jusqu’au campement ? Pire, s’il n’était pas le seul host dans les parages ? Rassemblant tout le courage qu’elle possédait, Eileen prit l’air le plus menaçant qu’elle avait en stock pour répondre à l’Host.

« Je t’écoute. Mais je te préviens, si tu essayes quoi que se sois ça ira mal pour toi »

C’était en partie du bluff car intérieurement Eileen espérait ne pas avoir à se servir de son arme. De plus tuer de nouveau n’était pas dans sas projets… Mais si jamais la situation s’aggravait, ce serait elle ou lui. Et autant vous dire qu’elle n’avait pas vraiment envie de perdre maintenant qu’elle était arrivée aussi loin. Par-dessus tout, elle nourrissait surtout l’espoir de revoir un jour Hunter. Elle refusait de mourir sans ça. L’host posa alors sa question. Eileen le regarda avec un froncement de sourcil. Pourquoi voulait-il savoir cela ? Ca n’avait aucun sens pour lui ! Pourquoi un Host voudrait savoir ce genre de chose ? La danseuse se mordit la lèvre inférieure. Devait-elle lui répondre ?

« Pourquoi tu veux savoir ça ? T’es copains parasites ne t’ont pas raconté la suite des événements ? »

Sa réponse avait été cinglante, mais même si elle était de naturel confiant, un Host ne lui inspirait rien de bon. De plus, elle avait quand même changé depuis son arrivée à la cohorte. Au final elle avait appris que lorsque tout s’écroule il ne faut finalement plus compter que sur soi-même. Hunter l’avait abandonné, Léon en avait bien assez avec ses problèmes pour la materner… Et à avoir voulu prendre le devant, Eileen se retrouvait face à face avec l’ennemie. Stupide, elle était stupide !