09.2012, jour inconnu, parc national de Glacier Bay, Alaska"Tu as changé, tu n'était pas un tueur avant". L'alcool coula contre sa langue, brûlant sa trachée. Son goût corsé cautérisait tous ses sens, il n'y avait rien de mieux pour annihiler l'odeur acre de sang qui s'infiltrait jusque dans sa gorge. Il essuya d'une main le liquide rouge qui avait giclé jusque dans ses yeux, poussant le cadavre de l'homme d'un coup de pieds sur son flanc. Le corps inerte roula dans un fossé, ne s'arrêtant que lorsqu'il toucha le sol quelque mètre en contrebas. Ça n'était qu'il bataille de plus de gagnée contre l'ennemi, mais la guerre était loin d'être remportée.
"Rappelles toi, tu étais quelqu'un de bien".
En cet instant, il ne pensait qu'à Diane et à Noah, comme si chacune de ces morts n'était qu'un avant-goût terrifiant de ce qu'il serait contraint de faire s'il les re-croisait un jour. Il devait se rendre à l'évidence, jamais plus il ne retrouverait sa vie passée. Elle n'était plus qu'un lointain souvenir auquel il se raccrochait. Désespérément.
Tournant les talons, laissant le corps derrière lui s'enfoncer mollement dans la neige fraîche, il reprit une lampée d'alcool, noyant ses souvenirs dans la seule chose concrète qu'il lui restait. Ça, et son besoin irrépressible de se venger d'on ne sait quoi.
| | I'M SUCH A MESS |
| | WHY DO YOU EVEN LIKE ME ? |
10.2012, jour inconnu, Michigan"Regarde toi. Depuis combien de temps tu erres ? bien trop longtemps tu le sais". Les yeux rougit, il passa une main sur ses paupières, comme si ce simple geste pouvait effacer toute cette fatigue qu'il avait accumulée. A ses côtés, dévorée par la pénombre de la nuit, Eileen restait interdite.
"Tu t'appelles comment ?", lança-t-il sans grand espoir d'obtenir une réponse de sa part. Il n'arrivait pas à lui en en vouloir, elle avait passé une nuit pénible tout comme lui. La douleur de perdre un proche ne lui était pas inconnue, pourtant aucun discours réconfortant ne lui vint à l'esprit.
Son regard effleura un court instant le visage de la jeune fille pour finalement revenir sur la route sombre qui défilait devant eux. Le compteur indiquait un faible taux d'essence, pas assez pour rejoindre la prochaine ville à quelques dizaines de miles de route. Ils seraient contraint d'abandonner ce véhicule malheureusement trop peu discret en les temps qui courent. Ils leur faudrait faire attention. Maintenant qu'elle était avec lui, c'était son devoir d'être vigilant. Une promesse silencieuse qu'il s'était faite à lui-même.
02.2013, jour inconnu, Indianna "Voilà, finalement tu te souviens. Ce sentiment étrange d’être en harmonie avec toi-même. Tout est parfait en cet instant, la douceur de la lumière, ce petit parfum dans l’air, la rumeur tranquille de cette tempête qui s'éloigne enfin". Frôlant sa peau clair du bout des doigts, il resserra son étreinte contre elle pour enfouir son visage dans son cou. L'odeur des cheveux d'Eileen l'apaisait.
Vint le moment où la magie de l'instant retomba pour laisser place à la réalité. Le cœur serré, un soupçon de culpabilité naquit en lui. Il avait faillit. Il avait manqué à ses promesses, celle qu'il avait faite à la Diane, celle qu'il s'était faite envers Eileen. Pourtant il devait se rendre à l'évidence : les regards qu'il portait sur elle avaient bien changés.
09.2013, jour inconnu, West VirginiaLes jours passaient sans qu'il ne s'arrête, malgré la douleur de ses muscles suppliciés résonnant à chacun de ses pas. Son corps l'implorait en silence d'arrêter. Il ne pouvait pas. C'était prendre le risque de vouloir rebrousser chemin. Bien qu'il en meurt d'envie, il ne pouvait la retrouver.
Au fil des mois passés ensemble, Eileen avait changé. Son sourire pure était devenu implacable, sa bienveillance muée en froideur. A son contact, elle s'était fanée comme si le temps l'avait fait déteindre sur elle. A l'instant où cette sale réalité dégueulasse l'avait frappé en pleine gueule, il avait compris. S'il restait une chance même infime qu'elle ne devienne pas comme lui, il devait la saisir. Il devait s'éloigner.
Sa propre sœur, bon sang !
Les semaines passant, ils avaient finit par trouver la cohorte. Là où il s'était promis de l'emmener. Elle serait en sécurité là bas, elle n'aurait plus besoin de lui. Elle pourrait retrouver ce semblant de vie normale qu'elle méritait d'avoir. Plus de fugues nocturnes, de fatigue, de douleur. Plus de cauchemars.
Quand le temps fini par lui sembler long dans les sous-terrains de Cincinnati, il décida d'en partir. Loin de lui, Eileen finirait par oublier toute cette colère. Le temps effacerait ce qu'il avait fait d'elle. Cette fois, plus question de merder.
Il lui avait annoncé son départ sans détour, sans finesse, l'avait mise devant le fait accomplit. Il s'était dit que peut-être ce serait moins dur comme ça.
"Ne sois pas idiot, tu sais bien que ça l'est tout autant". Puis il était partit sans se retourner.
Aujourd'hui, jour pour jour, cela faisait trois mois.