Tu t'étais levée à l'aube, secouée par un cauchemar. Tu avais l'habitude des mauvais rêves et cela depuis toujours. L'invasion n'avait fait qu'empirer ton mal, te faisant constamment craindre l'heure du couché. Lorsque tout était encore calme tu pouvais te permettre d'avaler un somnifère le soir pour t'écrouler sur ton lit comme une masse. Aujourd'hui chaque cachet de quelque nature qu'il soit était devenu une denrée rare et il ne te restait qu'une solution : t'épuiser le plus possible. Pour cela il te fallait te lever aux aurores et retarder au maximum l'heure de ton coucher. Inutile de vous dire que la dose de fatigue accumulée sur tes épaules était grande, de quoi t'écraser totalement et t'enfoncer sous terre. Pas de café, pas de cigarettes salvatrices fumées à la va-vite de temps à autre, rien. Rien pour te faire tenir le coup. Parfois tu en venais dans la journée à t'enfermer dans la petite pièce accolée à votre infirmerie de fortune pour t'offrir quelques minutes de repos. Jamais longtemps. Jamais assez.
Aujourd'hui ne faisait donc pas exception à la règle. Tu avais essuyé la sueur perlant sur ton front et t'étais penché à la fenêtre de la petite bicoque. À quelques de mètres de toi seulement dormaient encore quelques malades. Tu pouvais entre leurs souffles et les râles s'échappant de leurs gorges sèches. La fraîcheur du matin rougissait tes joues et tu étais restée là, le regard perdu dans le vague et resserrant ta veste contre ta poitrine. Les minutes étaient passée, puis les heures. Tu avais été à l'appel du matin et commencé ton travail. Tu étais mécanique, sur mode automatique. Surtout ne pas penser, surtout ne pas réfléchir. Exécuter les gestes de manière simple et efficace. Vous n'étiez pas nombreux à l'infirmerie mais la moitié de vos lits de fortune étaient occupés. Quelques grippes que vous essayiez de contenir et majoritairement des blessés de toute sorte. De la simple égratignure aux membres cassés, de la foulure à la déchirure. Tes collègues s'activaient, sûrement dans le même état que toi. C'était calme, pas de discutions ni blagues aujourd'hui. Seul le silence.

La journée passait à son rythme et tu sentais tes paupières s'alourdir. Prévenant l'une des médecins tu quittas la salle principale pour la petite chambre à côté. Ce n'était pas officiellement la tienne constatent tes insomnies, les autres t'avaient mise de garde. Ça t'arrangeait un peu. Au moins tu pouvais rester là et t'occuper un peu. Tu t’allongeas sur le lit et fermas les yeux. Mais le sommeil ne vint pas. Bien entendu. Tu te redressais et te massais doucement les tempes. C'est à ce moment là que Lullaby fit son apparition. Voyant la rousse s'asseoir près du toi, tu lui adressas un sourire. Ancienne patiente devenue amie, Lullaby n'était pas d'une sociabilité débordante et c'était toujours une surprise pour toi de la voir. Tu lui connaissais la passions des livres et ça te faisait plaisir de voir qu'elle avait préféré ta compagnie aux quelques héros qui l'accompagnaient en ce moment.

«Un peu de repos ne fait pas de mal hein ?» Tu acquiesças. «Surtout en ce moment oui.» Tu passas les doigts dans tes cheveux pour refaire ton chignon bas. «Qu'est-ce qui t'amènes ici ? Tu n'es pas malade au moins ?» Comme d'habitude ta voix s'était teintée d'inquiétude. Et si elle avait attrapé la grippe ? Le temps y était propice et quelques personnes en étaient déjà atteintes ! Ta main avant même que tu ne réfléchisses s'était portée au front de la jeune femme. Ouf, il n'était pas brûlant. Tu soupiras doucement. «Désolée j'ai tendance à oublier que tout le monde n'est pas un patient !» Tu ris un peu.