ET DIEU SÈCHERA TOUTES LES LARMES DE LEUR YEUX... |
Minuit s'affichait sur la cadran numérique de mon réveil. Je dormais paisiblement dans mon lit, fenêtre ouverte sur la rue pour laisser entrer l'air frais en cette nuit de juin. Dehors, les noctambules roulaient dans leur véhicule et je pouvais même percevoir le son des voitures jusque dans mes rêves. Cependant, le calme habituel d'une ville comme Boston cessa subitement. Des cris me réveillèrent en sursaut tandis que d'autres bruits non-identifiables venaient me confirmer qu'une catastrophe de grande ampleur se déroulait actuellement à quelques mètres de chez moi. Une explosion retentit. Je me levais d'un bond, enfilant mon uniforme de secouriste dans la foulée car j'étais certain maintenant que mon bipeur sonnerait d'ici peu. J'attrapais mon téléphone, mon bipeur que j'accrochais à ma ceinture au même moment qu'il sonnait et je sortais en moins de cinq minutes de mon appartement. Je ne savais pas ce qui m'attendait mais, alors que j'étais sur mon deux roues pour rejoindre la caserne, je croisais déjà les pompiers, les flics et autres véhicules d'urgences qui signifiait qu'une grande catastrophe s'était produite... Et continuait de se produire puisqu'une nouvelle explosion survint juste devant. Le choc me propulsa sur le bas côté avec ma moto.
« Suis-moi ! Plus vite, Johan ! » Hurlais-je à mon frère cadet alors qu'il avait été blessé quelques minutes plutôt la jambe. J'avais arrêté son hémorragie avant lui faire un garrot pour repartir le plus rapidement possible alors que les aliens nous attaquaient depuis quelques jours déjà. Nous tentions par tous les moyens de fuir la ville où ils semblaient s'installer. Les téléphones ne fonctionnaient plus et aucunes informations ne pouvaient être reçues. Le monde était en plein changement et notre vie était en grand danger. Avec un bras pour le porter, j'aidais mon cadet à avancer. Nous devions impérativement quitter cet endroit car les aliens s'approchaient rapidement de notre position.
« Allez, putain ! Ils vont nous avoir ! » J'accélérais la cadence, faisant grimacer Johan de douleur.
« On va jamais y arriver, Jarek... Pas avec moi... » Je posais un regard noir dans sa direction. Jamais je ne pourrais l'abandonner.
« Ne dis pas ça ! On s'en sort tous les deux ou on crève ensemble ! » Je commençais à entendre au loin leur pas. Ils approchaient et, pour nous sauver in extremis, je soulevais la bouche d’égout pour nous y glisser le temps que les aliens traversent la rue.
ET DE MORT IL N'Y EN AURA PLUS AUCUNE, ET DE CRIS IL N'Y EN AURA PLUS AUCUN... |
« Ils nous attaquent ! Les hosts sont là ! » Assoupi dans le métro de Cincinnati, je me redressais d'un bon alors que les survivants me passaient devant en hurlant. Ils étaient là ! Ils nous avaient trouvé ! Légèrement déstabilisé, je repris rapidement mes esprits et récupérais mes affaires avant de me diriger dans le sens inverse des autres habitants de la cohorte.
« Johan ! Johan ! » Criais-je d'une voix rauque et audible alors que les aliens tuaient et capturaient les premiers humains.
« Je suis là ! Viens, barrons-nous d'ici » Tous les deux réunis, nous quittions le métro avec d'autres survivants alors que les Hosts nous rattrapaient.
« On va jamais y arriver. Ils sont trop rapides. » Je réfléchissais et m'arrêtais alors de manière impulsive pour faire demi-tour et foncer tête baissée vers l'ennemi.
« Jarek, nooon ! » « Dégages de là ! Sauves-toi ! » Je voulais lui donner du temps. Je voulais lui offrir sa chance de survivre un jour de plus après cette attaque. Je revenais donc sur mes pas pour affronter ces aliens en face à face avec pour seule arme un couteau de survie militaire. Je ne faisais pas le poids. Je savais que je n'avais aucune chance d'en réchapper. Mais pour mon cadet, j'étais prêt à tout. J'arrivais alors sur notre ancien campement dans le métro de Cincinnati et découvrais avec effroi les conséquences de cette attaque surprise. Il y avait une dizaine de corps étalée à même le sol avec leur sang coulant jusqu'à mes pieds. Je m'agenouillais avec désespoir quand je constatais que les Hosts n'étaient plus là.
Je respirais fortement, toute la pression et toutes les tensions retombant d'un coup. Les Hosts étaient parti. Ils n'étaient plus dans les environs comme s'ils avaient compris que les derniers survivants avaient fuis plus loin dans les tunnels du métro.
« Johan ! » Et alors que je me relevais, je reçus un coup derrière le crâne et tombais dans les pommes. Je me réveillais une vingtaine de minutes plus tard, peut-être plus. J'avais perdu la notion du temps. Autour de moi, d'autres survivants me fixaient. J'avais les mains et les chevilles attachées.
« Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous me voulez ? » Le doyen me regarda sans me répondre et s'avança vers moi pour me frapper en plein visage. Du sang gicla de ma bouche et un larbin me bascula sur le côté. Une femme s'approcha et m'attrapa par le cuir chevelu. Elle m'auscultait. Elle vérifiait si je n'étais pas l'un des leurs.
« Je ne suis pas avec eux, putain ! » Je secouais mon visage, me repositionnant alors qu'un autre homme me libéra, toujours dans un silence des plus flippants. Je les regardais un mon tour tandis que je mettais debout et les quittais sans un mot de plus. A peine eu-je fais quelques pas que je me mis à courir pour sortir d'ici et rejoindre le reste de la cohorte.
ET DE PEINE IL N'Y EN AURA PLUS AUCUNE CAR L'ANCIEN MONDE AURA TOTALEMENT DISPARU. |
« Où est Johan ? Tu l'as vu ? Et toi, là, tu sais où il est ? » Ils me regardaient tous les deux avec des yeux mielleux tandis que je rejoignais enfin la cohorte après quelques jours de vagabondage.
« Raaaah, putain ! » Je m'énervais, donnant un coup de poing dans la taule qui était face à moi. Je reprenais mon chemin, noir de colère. Tout le monde me regardait mais personne ne me parlait. Je les détestais pour ça. Leur silence me rendait fou. C'est pourquoi je m'éloignais de la foule et du campement pour me rafraîchir près d'une étendu d'eau. Je déposais sac et blouson avant de me passer de l'eau sur le visage. Le bruit d'une branche craquée me tira de cette pause méritée et je me retournais violemment, couteau en main, vers l'étranger qui osait venir m'emmerder. C'était une femme. Elle semblait apeurée. Je la fixais, méfiant face à toutes les têtes que je ne connaissais pas.
« Jarek, c'est ça ? » J'acquiesçais d'un signe de tête, attendant de voir ce qu'elle me voulait. Elle s'approcha. Je serrais d'autant plus mon arme.
« Je sais que vous ne me connaissez pas mais je voulais vous dire ce qui est arrivé à votre frère. Il a été capturé. Ils l'ont emmené avec eux. Je suis vraiment désolé... » Je tombais de haut, lâchant mon couteau sous le coup de cette nouvelle. Les larmes me montaient aux yeux mais je me retenais de pleurer. Je n'avais pas le droit de pleurer, chose inutile en temps de guerre. Enfoncé dans une grande tristesse, ma méfiance s'estompa laissant place à une soudaine vulnérabilité. Et alors que les bras de cette jeune femme vinrent m'entourer pour ce que je croyais être une étreinte de réconfort, cette dernière me donna un coup de taser. Je m'écroulais.
Inconscient, l'ennemi tenta de me porter pour me capturer. Cependant, un coup de feu retentit et elle me jeta malencontreusement dans l'eau. Je coulais sous ses yeux sans pouvoir me défendre. J'avais baissé ma garde et cette créature en avait profité pour m'attaquer. C'était une host. Elle était seule, sans défense. Elle se ferait très certainement tué par nos soldats quand ils la découvriront. J'avais hâte de voir son corps sans vie et vengeance serait accomplie. Alors que je touchais le fond de l'étang, je sentais mon corps se soulever grâce à deux bras qui me portaient jusqu'à la surface. Mon sauveteur me traîna jusqu'au rebord pour me tirer sur terre. Il n'eut pas besoin de me réanimer que j'expulsais déjà toute l'eau ingurgitée. Je toussotais encore légèrement quand je me redressais avec son aide. Lorsque je réalisais enfin ce qui m'était arrivé, j'empoignais mon couteau que je retrouvais enfoncer dans la terre et le glissais au cou de cet inconnu.
« Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu fais là ? Je ne t'ai jamais vu à la cohorte ? » Je le plaquais contre le sol et le retournais sur le ventre pour pouvoir vérifier son statut. Aucune cicatrice. Il ne faisait pas parti du camp ennemi. Je le relâchais donc, sans prendre la peine de m'excuser.
« De rien pour le sauvetage. » Me dit-il. Je lui lançais un regard noir tout en récupérant mes affaires.
« Je m'appelle Riley, au fait. Je suis nouveau sur le camp. » « Jarek. » Et je me tirais d'ici, trempé jusqu'aux os.