Tu grommelles, tirant sur ces liens de plastiques qui font figure de pseudo menottes et qui laissent sur ta peau de sales traces rouges. Ca paye pas de mine, mais impossible de t'en défaire, tu n'as plus qu'a attendre bien sagement que quelqu'un vienne régler ton triste sort.

Aaron, t'es vraiment dans la merde cette fois, une merde tellement merdique que tu ignores encore comment tout ça va finir mais la petite voix dans ta tête te siffle que ça sera sans doute mal. Attaché à un barreau de table soudée au sol - bien qu'il n'y avait pas la moindre chance que quelqu'un ait envie de se barrer avec ce chef d'oeuvre de design de la fonction publique - tu regardes autour de toi comme s'il existait une solution miracle pour te sortir de ce bordel. Les minutes passant, tu constates qu'il n'y en a malheureusement pas. Fichtre ! diantre ! putain de bordel de merde ! dire que rien n'aurait dû se passer de cette façon. Jamais Fanta et toi n'auriez dû croiser cette patrouille sortie de nulle part, jamais ils n'auraient dû te conduire ici avec un host. Tu avais eu beau leur dire que tu n'étais pas là pour rester, ils ne t'avaient écouté qu'à moitié. A présent, tu imaginais bien le genre de choses qui pouvaient se dire; "traitre", "manipulation", "lavage de cerveau"… les rumeurs iraient bon train pour essayer d'expliquer ton geste totalement irresponsable. En vérité la seule chose qui t'obsède c'est de savoir si Charly va bien.

Où est-t-il ? Que lui fait-on en ce moment ? tu l'ignores, et tu imagines le pire. Tout ce qu'il te reste pour te réconforter c'est l'idée qu'il est peut-être avec Hale en ce moment même. Elle ne l'aime pas trop c'est certain, mais tu lui fais assez confiance pour savoir qu'elle ne lui fera rien. Alien ou pas c'est ton fils bordel !

Les minutes passent peut-être les heures tu n'en sais rien. L'horloge au mur est immobile, arrêtée sur 4h47 mais au loin tu entends la cohorte qui se réveille, on doit donc être le matin. Soupirant, tu te demandes combien de temps on va te laisser croupir ici avant de venir te poser un tas de questions auxquelles tu ne saura pas quoi répondre.

Comme pour couper court à tes élucubrations mentales, la porte s'ouvre dans un grincement sinistre et Hale passe le pas de la porte. Tu as du mal à croire ce que tu vois, tellement persuadé que tu ne la reverrais jamais que ces retrouvailles te paraissent totalement irréelles. Par réflex, tu tentes de te lever pour aller vers elle, bien vite arrêté par ces liens qui t'entravent. "Hale ! bon sang dis moi que Charly va bien." tu t'empresses de dire tandis qu'elle s'approche de toi, passant ses bras à ton cou. Tu la regarde un moment, ne sachant quoi lui dire d'autres, tu n'as jamais été très bon pour les discours romantiques de retrouvailles. "J'étais sûre que tu reviendrais" tu retiens une grimace; Hale n'avait jamais été une femme optimiste, plutôt du genre à te croire mort à peine ayant mis un pied dehors. Un mince sourire inquiet sur les lèvres, tu la regardes quelques longues secondes sans s'hasarder à lui demander ce qu'il en est de la situation.

"Je sais" tu te contente de dire tout bas sans oser lui avouer que tout ça n'était pas prévu. Comment dire à Hale que tu n'avais pas eu pour plan de la rejoindre ? que malgré ta promesse tu l'aurais laissée là pour sauver ton fils ? Tu l'ignores, mais il n'existait malheureusement pas d'autres explication logique à la situation présente. Inspirant longuement, tu détournes le regard d'elle et te racle la gorge pour poursuivre d'un ton morne. "J'avais prévu de donner à Fanta les instructions pour rejoindre la cohorte, rien de plus" tu souffles, évitant tel un diable de la regarder. "On était même pas dans les périmètres de patrouilles mais y'en a une venue de nulle part qui nous est tombé dessus, j'ai eu beau leur expliquer la situation, ils nous ont ramené là."

Tu baisses les yeux et serres les dents si fort que ta mâchoire en devient douloureuse. "Quand je suis tombé sur Charly, quand j'ai vu ce qu'il était devenu… j'ai compris qu'il me serait plus possible de revenir…" tu stoppes ton monologue dans un raclement de gorge, mal à l'aise, avant de laisser retomber le silence dans la pièce.
"Je savais pas comment faire… S'il te plait ne les laisse pas le tuer."

Et voilà t'as encore trouvé moyen de foutre la merde mon gros Ronron. Quel besoin avais-tu eu de citer Fantine dans cette conversation, sinon aucun ? c'est bien ce que je pensais. Maintenant, elle se faisait des films ; rien qu'à voir sa tête tu pouvais deviner ce qui se tramais là dedans. Elle imaginait je ne sais quoi, qu'il y avait quelque chose entre toi et cette fille qui était arrivée avec toi. Pourtant il n'y avait rien, rien d'autre qu'une franche camaraderie qui avait dérapé l'espace un soir. Depuis il ne s'était rien passé de plus et tu avais même du mal à lui parler et à la voir comme avant. Culpabilité ? ben oui mon gros, tu te sens merdeux une fois encore; ta mésaventure d'il y a 9 ans ne t'as décidément pas servit de leçon. C'est pourtant pas bien compliqué de se fixer sur un nana et de garder le cap ; mais il semblerait que pour toi, si. Désespérant.

Ce qu'elle pense des hosts ? comment l'ignorer, tu avais pensé comme elle jusqu'à découvrir Charly. Tu en avais tué plus d'un sans sourciller, conforté dans l'idée qu'ils n'étaient plus humains. "Je sais oui…" Elle n'avait pas été confronté à la même situation que toi, celle de retrouver l'un de ses proches sous l'emprise de ces sale bestioles. Qu'en aurait-il été autrement, si elle t'avait retrouvé implanté, toi ? t'aurait-elle achevé avec cette même indifférence dont elle faisait preuve pour les autre ?

"Quoi qu'on fasse tu ne le retrouveras pas, t'en es conscient ? - On n'en sait rien." tu murmures avec empressement d'un air renfrogné. Peut-être existait-il une solution qui n'avait toujours pas été trouvée ? Peut-être qu'elle n'avait pas encore tout essayé ? elle n'avait pas tant envie de récupérer son "neveux" comme elle disait si bien ; tu n'ignorais rien de l'antipathie qu'elle entretenait à son égard. Elle consent pourtant à t'aider ; intérieurement tu la remercies de piétiner ses principes pour ta belle gueule. Elle risquait gros pour ta pomme et tu le savais bien; pour être en ce moment même attaché à une table : pactiser avec les hosts n'était pas bien vu ici.

"Tu aurais de quoi m'enlever ça ?" tu montres tes poignets liés, une moue sur les lèvres. Te savoir attaché comme un chien ne t'aide pas à réfléchir, surtout en sachant ton gamin entre les mains des tarés avec qui tu avais vécut quelques mois auparavant. Dans l'impossibilité de sortir d'ici sans que cela ne passe pour un acte de rébellion, Hale était ta seule chance. Heureusement elle avait un plan.

"C'est une bonne idée, une fois à la surface il n'y aurait presque plus rien à craindre." en partant de jour, personne ne prendrait le risque de le suivre à l'extérieur au risque d'être intercepté par des Hosts. il fallait simplement trouver un moyen de le faire partir sans retourner la cohorte toute entière. "On a bien veillé à ce qu'il ne sache pas où il se trouve, hein ?" bander les yeux des captifs était l'une des règles clé de la survie de la cohorte. Sans ça, il pourrait toujours divulguer sa position une fois dehors, et égoïste ou non, tu n'avais pas envie de mettre en péril les rares humains encore en vie. Tu es toujours perdu dans tes pérégrinations mentales quand sa voix retentit à nouveaux.

Tu perds ton souffle, les yeux rivés sur le sol. C'est vrai, tu n'avais pas songé à cela, trop préoccupé par ce qui pouvait arriver à Charly pour te rendre compte de ce qui t'attendait. Partir une nouvelle fois, c'était dire adieu à tout ça : la cohorte, Hale… tu avais réussi à te convaincre de ne plus la revoir après ces 3 mois d'absence, maintenant que tu l'avais de nouveau devant toi partir était la dernière chose que tu souhaitais. "Je sais pas. Vraiment." tu soupires, les épaules basses, levant les yeux sur elle. "Quand bien même je réussirais à m'échapper avec lui; une fois dehors qu'est-ce que je ferais ? je vais passer ma vie à fuir avec un alien ?" Surtout que le machin planté dans ton fils ne semblait pas apprécier ta compagnie ; pas au point de te suivre indéfiniment sans broncher. Tôt ou tard, tu te retrouverais cernés par les siens, et tu deviendra comme eux. C'est le seul scénario plausible qui te vient à l'esprit.

"Je veux pas partir, pas si toi tu restes là."
Est-ce que tu es un mauvais père, au fond ? à vouloir que ton alien de fils parte seul et se démerde sans toi dans le vaste monde ? Peut-être. Tu devrais chercher un moyen de sauver ton gamin plutôt que d'aider à s'enfuir la saloperie qui l'habite.

"Je suis complètement perdu..." tu souffles, passant tes mains sur ton visage pour en cacher la fatigue. "Qu'est-ce que tu ferais, toi, si t'étais à ma place ?"

Massant tes poignets, les marques rouges laissées par les liens qui t'enserraient ne semblent pas vouloir s'effacer si vite. "Merci." Dis-tu en la regardant inspecter tes bras meurtris. Tu la regarde un long moment, te remémorant certains détails de son visage que tu pensais avoir oublié lorsque tu pensais ne plus jamais la revoir. Son retour ici n'était dû qu'à de la chance purement et simplement, mais à quel prix ? Tous ceux avec qui tu avais partagé ces derniers mois doutaient de toi maintenant. Hale, au moins, ne te prenait pas pour un traitre, c'était une des rares alliées qu'il te restait encore ici. Était-ce une raison suffisante pour l'embarquer dans un de tes nouveau plan foireux qui risquait de la compromettre pour toujours au seins de la résistance ? sans doute pas. Malheureusement, tu ne vois pas d'autres solution pour sauver Charly. Il ne te reste qu'à prier pour que le "sauvetage" de ton fils ne cause pas votre perte à tous les deux.  

Il allait te falloir un moment pour te résoudre à abandonner ton fils, celui que tu était près à aller chercher à l'autre bout du continent qu'il le fallait. Il allait te falloir du temps avant de te convaincre que c'était la meilleure chose  faire tant pour toi que pour lui, que sa vie en dépendait. Il te fallait du temps, chose que malheureusement vous n'aviez pas. Écoutant la proposition de la jeune femme, tu prends une longue inspiration, fermant les yeux un moment. "C'est sans doute la meilleure solution, oui..." soupires-tu doucement, tentant de t'en convaincre. Elle te propose - bien que venant de Hale cela ressemble d'avantage à un ordre - de t'accompagner. Tu hoches du chef, la remerciant à demi mot, ne la lâchant pas des yeux. "Tu me broies un peu la main par contre."

Vous riez un peu, soudainement tu te sens bien. Hale et toi n'aviez pas échangé ne serait-ce qu'un rire depuis bien longtemps. Dans cet état léger de béatitude, tu t’approches légèrement d'elle pour l'embrasser doucement.

Tu l'avais laissée de la même manière la dernière fois que vous vous étiez-vu, d'un baisé sur les lèvres, pensant que peut-être les choses évolueraient entre vous. Était-ce le cas ? aucune idée. Mais la nuit que tu avais passé avec Fantine quelques jours plus tôt éveillait en toi un malaise qu'il t'étais difficile de dissimuler.

"J'ai entendu dire qu'il y avait un évènement prévu après demain... une fête je crois bien, tu es au courant ?" tu n'avais pu t'empêcher de penser que, en les temps qui courent, une soirée était une chose plutôt saugrenue; mais plus les minutes passaient et plus tu voyais en cet soirée inattendu une opportunité à saisir. "Je pense que c'est là qu'on devrait agir."

 

On t'y avait contraint une première fois en t'arrachant Ann, brusquement, sans concession ni espoir de retour. Cette fois ci c'était différent. Difficile d'envisager d'abandonner définitivement le semblant de famille que tu t'efforçais de conserver, celle pour laquelle tu t'étais battu sans répit. Plus pénible encore : tenter de te convaincre qu'au fond c'était le choix le plus raisonnable à faire, mais en réalité le seul qui t'était réellement accordé. C'était abandonner ton enfant à ces créatures, ou le laisser aux hommes et le condamner à une mort imminente et certaine. Y avait-il une différence ? Charly était-il toujours vivant ou bien s'était-il définitivement volatilisé pour laisser place net à son parasite ? Tu ne voulais pas y croire. Après tout, là bas, le petit ne t'avait-il pas reconnu ? n'était-ce pas là le signe qu'au fond, même si ça n'était qu'infime, Charly existait toujours ? Difficile d'en juger, vous ne connaissiez que trop peu ces créatures, mais tu préférais savoir Charly en vie aux mains de l'ennemi plutôt que mort, tué par les tiens. Ta décision était prise.

Il ne te restait qu'Hale, ta coéquipière de toujours, la seule qui, par monts et par vaux était toujours à tes côtés. La quitter il y a plusieurs mois avait été l'une des pires idées que t'avais eu - si on oubli l'affaire Ann 9 ans plus tôt - et tu n'étais pas près de réitérer l'expérience. Maintenant tu restais avec elle quoi qu'il arrive car elle était ta seule alliée ici au vu des circonstances. "Est-ce qu'ils t'ont dit ce qu'ils allaient faire de toi ? - pas vraiment mais je crois avoir une vague idée..." Beaucoup ici te considérait à présent comme un traître, comme si le simple fait que ton fils était maintenant un hôte allait te pousser à trahir les tiens. N'était-ce pas le cas de la plupart des gens ici en y réfléchissant mieux ? Bref, tu allais sans doute devoir payer les conséquences de tes "actes", bien que ramener Charly à la cohorte n'avait jamais été dans tes plans. En attendant de savoir ce qu'on allait faire de toi, tu allais moisir dans cette petite pièce moite. De toute manière libérer Charly aura tantôt fait de convaincre tout un chacun de ta trahison et de t'exclure définitivement de la cohorte. Tu espérais seulement qu'Hale ne serait pas soupçonnée. "Il faut qu'on aille chercher ton fils avant qu'ils ne décident de son sort. Je connais un endroit où l'on pourrait le cacher en attendant." Tu acquiesces en silence, la remerciant à demi mot de tout ce qu'elle était prêtre à faire pour toi sans aucune véritable raison. Toi , tu t'étais contenté de lui faire un gamin dans le dos, chacun sa définition de la loyauté on dira.

"Merci Hale, pour tout ça." tu murmures d'un air penaud, relevant tes yeux pour les plonger dans les siens. "Mais si tu changes d'avis et que tu ne veux plus le faire je comprendrais." Tu n'étais pas vraiment fière de l'embarquer là dedans, persuadé que les répercutions seraient terribles. En réalité, tu ne pouvais deviner qu'un événement pire encore allait arriver dans quelques jours et balayer bien vite toute cette histoire. "Tu devrais y aller. Il vont se demander où t'es passée et mieux vaut pas qu'on te voit trop traîner avec moi... on va te trouver suspecte toi aussi, enfin tu connais les gens." Tu préférerais qu'elle reste là, ici avec toi, la tête sur ton épaule. Tu pouvais entendre son cœur battre, sentir sa chaleur contre ta peau, et ce parfum... son parfum, celui que tu avais toujours aimé. Sa présence t'apaisait, comme toujours.
Passant tes doigts sur sa joue, tu esquisses un semblant de sourire qui se veut rassurant mais avouons-le tu es plutôt mauvais à ça. La vérité c'est que tu avais peur, pour Charly, pour Hale, pour ce qui les attendait tous les deux. Mais tu ne laissais rien paraître d'autre que de la confiance, la peur n'était pas le leitmotiv qu'il vous fallait.

Tu l'embrassais une dernière fois avant qu'elle ne te quitte, la regardant s'éloigner le cœur lourd. Au même instant, un homme passa la porte de la salle dans laquelle on te retenait "prisonnier", t'arrachant un grognement intérieur. Les emmerdes ne faisaient que commencer. 

END OF THE TOPIC