MAXWELL J. LEONARD
Tout est calme. A la lueur faiblarde de sa lanterne, Maxwell sort son briquet pour allumer une de ses cigarettes rabougries dont il coupe le tabac avec des herbes séchées pour ne pas épuiser trop vite sa réserve. Il fixe un temps ses yeux sur les volutes de fumée qui s'élèvent doucement vers les étoiles. Et puis l'attente reprend, l'attente invivable, l'attente solitaire des nuits sans lune.
Il s’appuie un peu plus confortablement contre le mur, serre ses doigts autour de son fusil. Il déteste être de garde la nuit. Il n'a jamais aimé ni le silence de la nuit, ni les ténèbres dont elle l'enveloppent toujours. Face à eux, il cesse lentement d'être, y disparaissant complètement. Alors il s'autorise à fermer les yeux juste un instant, juste pour ne pas voir les étendues sombres et inquiétantes devant lui.
Quand il y réfléchissait un instant, c'était sûrement à cause de son père s'il n'aimait ni le noir ni le silence. Ce n'étaient jamais de bons présages. Il préférait encore les cris de sa mère qu'il percevait du fond de son lit où il préférait se cacher. Il était né à Détroit, dernier enfant d'une tribu de trois garçons, dans une famille où l'amour avait vite pris ses jambes à son cou. Lui et ses deux aînés, Louis et Thomas, avaient grandi entre un père alcoolique et violent et une mère désemparée qui restait seulement parce qu'elle aurait été incapable d'assumer seule les besoins de ses trois gamins. Maxwell adorait sa mère. Il avait passé son enfance à se culpabiliser de ne pas pouvoir intervenir quand son paternel, trop imbibé, la battait, elle qui faisait rempart de son corps. Mais que pouvait faire un petit bout de rien contre un homme ? Pas grand chose. Alors il avait serré les dents, il avait écouté les cris depuis le fond de son lit et s'était juré qu'un jour, ce cauchemar finirait par prendre fin.
Maxwell a littéralement grandi dans la rue. Etant le plus jeune, il a été obligé de supporter quelques années où ses frères allaient à l'école et qu'il était condamné à rester à la maison. Ce qu'il ne faisait jamais, absolument ravi de pouvoir échapper à l'ambiance malsaine qui régnait chez lui. Et puis toutes ses pièces étaient trop imprégnés par tous les mauvais souvenirs. Alors il traînait, de huit heures du matin à seize heure trente, échappant sans trop de difficultés à la surveillance maternelle. Il traînait avec tout une bande de gosses, des enfants un peu abandonnés par leurs parents, des faux caïds des bac à sable, des délinquants en culotte courte. Parfois, il se battait un peu avec un d'eux, pour des histoires aussi dérisoires qu'un pari perdu ou un baiser volé à une des filles du groupe. Déjà à l'époque, il préférait régler ses problèmes à coup de poings.
Il se souvenait surtout de lui comme d'un enfant un peu trop rationnel. Il ne regardait pas les dessins-animés et ne lisait aucun comics. Peut-être parce quand on voit sa mère se faire frapper presque tout les jours, on a du mal à croire aux super-héros ou en Dieu.
Il ouvre un oeil, rattrapé par son devoir. Il ne veut pas qu'on dise qu'il n'assume pas ses responsabilités. Il ne veut pas qu'on l'engueule encore, qu'on le traite de bon à rien. Il tire un peu sur sa clope, jette les cendres par terre. Il déteste passer pour un branleur. Il déteste faire parti de cette cohorte. Si cela ne tenait qu'à lieu, il se barrerait là, tout de suite, abandonnant son fusil et sa lanterne sans une once de remords. Mais il est un frère Leonard et son amour et sa loyauté lui crie de rester pour Thomas qui n'a plus personne. Alors il accepte silencieusement cette perversion de lui même; juste pour ne pas les laisser seuls dans cet enfer.
Heureusement, la pénitence avait fini par s'achever. Maxwell n'avait jamais été aussi heureux que quand les policiers étaient venus arrêter son père pour le mettre en prison. Lui, jeune adolescent, avait maintenant la vie entière pour être heureux, libéré du fardeau continuel que le salopard était. Il voyait sa mère qu'il aimait tant revivre doucement, affranchie elle aussi des douleurs de toujours. Oui, tout allait pour le mieux à présent. Ses années lycées eurent ce goût si particulier de bonheur et de simplicité, de cette routine douce qui s'installait alors.
Vint alors le temps des premières interrogations. Il était censé prendre une décision au sujet de son avenir. Choisir les études qu'il voulait faire, dans quelle ville, pour devenir qui. Parce qu'il n'avait jamais songé à l'avenir, il décida de devenir prof, comme Thomas, mué par son amour fraternel, par l'admiration qu'il avait pour son frère et puis parce qu'il était la source d'inspiration la plus proche de lui. Professeur, oui, mais de quoi ? Il décida qu'il choisirait la matière où il obtiendrait la plus haute note durant sa terminale. Cela fut la philosophie comme cela aurait put être les maths. La question de l'université, elle, fut vite réglé. Il s'inscrivit à l'université de Détroit, parce que l'idée seule de s'éloigner de sa mère et de ses frères lui était insoutenable. Quand à savoir ce qu'il allait devenir, c'était une question bien complexe à laquelle il mit longtemps à répondre.
Le temps passa. Son diplôme en poche, Maxwell devint professeur dans un lycée de Détroit avant de parvenir, sur un coup de chance incroyable, à occuper le poste de professeur assistant à la Wayne State University. Du même coup, il s'acheta un petit appartement dans le centre, draguait avec indécence chaque jolie femme qu'il rencontrait. Les choses s'enchaînaient avec une fluidité et une rapidité inattendue. Comme si la chance avait décidé de tourner.
Un bruit sur la gauche. Maxwell se tourne brusquement et brandit son arme. Il reste un instant ainsi, figé. Finalement, il ne se passe rien. Alors il reprend sa position initial en soupirant. Il déteste être de garde la nuit. Il a l'impression qu'on va lui sauter dessus à tout moment. Et puis il n'est pas très doué pour s'empêcher de tomber de sommeil. A tout bien réfléchir, il n'est pas très doué pour faire ce qu'on lui dit. Il ne supporte pas qu'on le commande. Sans doute parce que ses parents l'ont toujours laissé se comporter comme bon lui semblait et que ses professeurs le laissaient tranquille grâce à ses notes acceptables. Il n'est pas fait pour être soldat. Il ne peut pas s'empêcher de discuter l'autorité, d'ouvrir sa grande gueule. Putain qu'est ce qu'il aurait rester dans sa salle de classe, tranquille, à faire l'amour à toutes les femmes qu'il croisait sans se prendre la tête. Pourquoi avait-il fallut que tout se brise d'un seul coup ?
«
Monsieur Leonard ? Nous vous appelons parce que votre mère vient d'être hospitalisée et que personne n'est avec elle. Nous avons prévenu vos frères également, ils sont en route. »
Vendredi 21 décembre. Fin de matinée. Maxwell avait été réveillé par le téléphone. D'habitude, c'était plutôt par celle avec qui il avait partagé la nuit. Heureusement que ce n'était pas le cas aujourd'hui. Assis au bord de son lit, le téléphone collé à son oreille, il mit un instant à réaliser. Comment ça, sa mère était malade ? Il se leva brusquement, se prépara en vitesse et sortit de son appartement pour sauter dans sa voiture. Comment ça, sa mère était malade ? Comment était-ce seulement possible ?
C'était le seul souvenir clair qu'il conservait de cette journée. Cette sourde incompréhension mêlée à de la colère. C'était tout. Le reste n'était plus qu'un mélange confus de tout ce qui s'était passé, recouvert par un espèce de brouillard opaque qui l'empêchait de remettre les images dans le bon ordre. Peut-être était-ce parce qu'il ne voulait pas se rappeler, revivre ces heures d'angoisse et de douleur. Il n'avait jamais retrouver sa mère. Il avait vu sa belle-soeur et son neveu mourir. Lui même avait failli y passer, comme ses deux frères et sa nièce, Lili. Ce n'était pas de bons souvenirs. Ce n'était que de la souffrance.
Sa garde est bientôt fini. Il voit le jour pointer à l'horizon. Il y a longtemps qu'il a fini sa cigarette. Ses doigts sont tout engourdis d'avoir trop serrés le fusil. Il est exténué. Il regarde le ciel où quelques étoiles s'attardent encore. Il n'a jamais été le genre de personne à rêver devant les astres. En fait, il n'a jamais été le genre de personnes qui rêvait beaucoup. Si on lui avait dit un jour qu'il rencontrerait des aliens, il n'aurait pas réagi. Ses yeux n'auraient pas brillé, aucune crainte ne l'aurait secoué. C'est drôle comme la vie est imprévisible quand même.
CIUCIU ! Moi c'est Abel, un poulpe qui vous vient tout droit de la mer *_* Je suis là parce que je cherchais frénétiquement depuis une demi-heure un forum réaliste et que je suis tombée sur vous et que vous m'avez bien plût ! Et puis j'ai Falling Skies sur ma liste de série à voir et les Âmes Vagabondes sur celle des livres à lire donc bon. J'vous aime tous.