Elle avait beau avoir quelques airs de bébé baleine depuis peu, les trombes d'eau qui se déversaient contre la vitre ne lui disait rien qui vaille. La tempête faisait rage dehors, pliant les arbres, balayant les rues désertes de cette bourgade où elle n'avait jamais mis les pieds auparavant. Elle s'était abritée juste à temps dans cette station service déserte et fort heureusement encore debout, remerciant le seigneur ou n'importe quel autre entité cosmique chelou pour ce geste ô combien généreux envers sa personne. Elle en avait bien assez chié ces derniers temps pour en plus mourir emportée par une tornade - bien qu'avec sa silhouette actuelle il serait légitime de se demander si elle ne serait pas immunisée contre vents et marées - . Dévorant le contenu d'un paquet de chips goût cheeseburger elle se dit que de toute façon elle n'était plus à ça près. Evidemment personne ne s'aventurait dehors avec un temps pareil, elle avait donc pris ses aises en ce lieu qui désormais était siens, fermant malgré tout la porte et les volets pour éviter quelques intrusions inopportunes. Plongée dans une demie pénombre quelque peu oppressante, elle tuait le temps non sans mal avec pour seule compagnie une peluche Dora l'Exploratrice en simili velours dégueulasse. "On est pas si mal ici finalement !" s'exclama-t-elle dans un soupir satisfait avant de réaliser qu'elle causait à un bout de tissus rembourré - ça leur fait au moins un truc en commun - . A cet instant, un violent coup de vent s'heurta à la façade, faisant trembler les murs. C'était sans doute pas la planque idéale et la plupart des trucs à manger étaient périmés depuis trois siècles, mais au moins elle était au sec, vivante, repue et seule. Du moins pour l'instant.

Avec sa bière bon marché dans une main et son magazine people dans un autre, elle tuait le temps comme l'aurait fait n'importe quelle américaine 100% produit de sa région avant l'attaque. Pourtant rien n'y faisait, elle n'arrivait pas à comprendre ce que la cellulite de Sarah Jessica Parker pouvait avoir de si divertissant. heureusement la bière aidait un peu - surtout lorsqu'on en est à sa troisième -. Oui mais voilà, toute bonne chose ayant une fin - excepté le sex appeal de Ed - ce calme tranquille ne pouvait pas durer. C'est un bruit suspect en arrière boutique qui l'alerta en premier, suivit d'un courant d'air qui arriva jusqu'à elle. Une vitre brisée ? Un animal errant ? Un monsieur poilu ? Les possibilités étaient multiples mais Scar et sa vaine légendaire commençait déjà à imaginer les pires scénarios possibles. S'insinua alors lentement dans son esprit l'idée qu'elle allait peut-être mourir là entre le rayon porte clés fantaisie et celui des rasoirs pour dames.

Elle avait trouvé refuge dans les toilettes pour dames, espionnant à travers l'interstice de la porte un homme se glisser dans SA planque. "Le fils à putes" marmonna-t-elle entre ses dents alors que son regard accrocha l'armes qu'il portait. Sans doute se croyait-il seul car il finit par s'en défaire, la laissant trainer là où n'importe qui pourrait lui prendre. N'importe qui comme elle par exemple ! Encore faudrait-il qu'elle ait les couilles de se lancer là dedans; cela dit elle n'avait guère d'autres choix si elle ne voulait pas passer le reste de la journée/nuit coincée dans des chiottes qui puent.

Se glissant à pas de loups dans la boutique, elle remercia le ciel d'avoir pavé ce lieu de carrelage silencieux et non pas d'un parquet grinçant comme dans les films d'horreur. C'était un grand dadais quand même, un grand dadais pas trop maigrichon… à en juger par son hygiène douteuse elle pariait sur un humain… Attrapant alors au hasard la première chose qui vint à elle - une louche - elle s'approcha de l'homme pour lui asséner un coup derrière la tête. Fatality mon gros loulous.

"Allez allez on se réveille le sexy mâle !" minaude-elle dans un grand sourire, sa propre arme braquée sur lui. A vrai dire elle n'en menait pas large, surtout qu'elle n'avait rien trouvé de mieux pour l'attacher que du scotch transparent bien nul genre travaux manuels d'école primaire - bien qu'elle en ai foutu à peu près trois tonnes - . "J'espère pour toi que t'es waterproof parce que tu vas pas pouvoir rester là."

Comment ne pas voir l'agacement dans les yeux de cet homme qu'elle tenait en joug avec sa propre arme ? Impossible ! c'était aussi flagrant que l'absence de masculinité de feu Justin Bieber. Hey oui mon gros loulou tu t'es fais chopper par une bonne femme, une grosse en plus, et BLONDE par dessus le marché ! De quoi mettre à mal le semblant de virilité que tu possèdes, isn'it ? Elle jubile de le voir ainsi acculé, peut-être parce qu'il lui rappelle vaguement celui qui l'avait privée de son ancien corps et l'avait condamnée à vivre dans celui d'une gamine rondouillette ? possible ! Il avait ce même air arrogant et hirsute, ces mêmes yeux noirs avec une gueule de bellâtre ne s'ignorant pas. Elle le regarda se relever, ne baissant pas son armes qu'elle pointait allègrement sur sa belle petite gueule. Qu'il ne la crois pas plus empotée qu'elle ne l'était, elle avait du bagages derrière elle tant avec les armes qu'avec les petites frappes dans son genre. Faites 10 ans dans la police et éclater des cervelles vous fera autant d'effet que de faire du pop-corn au micro onde ! "Allons allons mon p'tit père j'ai jamais parlé de te tuer là tout de suite maintenant…" dit-elle dans un grand sourire, penchant légèrement la tête sur le côté pour planter sur lui un regard teinté d'amusement. "J'ai juste pointé une évidence : toi et moi on va pas pouvoir cohabiter ici." en voilà une triste nouvelle… malheureusement - après vérification - son sympathique et non moins sexy partenaire de causette était humain, ce qui faisait d'eux des "camarades" aussi crédibles et assortis qu'un lion et une gazelle - je vous laisse deviner qui est qui dans cette histoire -. "A toi de bouger ton mignon petit cul musclé hors de là et te trouver une cabane, une grotte, un terrier de blaireau… que sais-je !" cette dernière hypothèse n'était pas si incrédule que ça, après tout il y avait de grandes chances que l'animal, pris de pitié à la vue de l'un de ses congénère trempé et transit de froid, se décide à lui offrir l'hospitalité. De toute façon ce qu'il faisait de sa peau ne l'intéressait guère, tant que la sienne n'était pas menacée.

Levant les yeux au ciel, un long soupire d'exaspération s'échappa de ses lèvres alors que son prisonnier tentait de parlementer. Comme si elle avait envie de causer ou de faire copain copain avec un humain, ET SURTOUT comme si il allait lui donner l'emplacement de la cohorte humaine jusque là précieusement gardé secret. N'importe qui de pas trop débile sentirait tout de suite le truc qui pue le traquenard; à tout le coups il tenterait de la butter dès qu'elle aurait posé le flingue. "Un moment agréable… mais j'en doute pas un seul instant." répondit-elle un grand sourire scotché aux lèvres. Tiens donc, elle se serait presque cru de nouveau dans son ancien corps, quand elle était encore "désirable" aux yeux de tous.

"Ou alors……." murmura-t-elle, faisant mine de réfléchir. "Ou alors je n'ai pas vraiment envie de passer du "bon temps" en ta compagnie et je prends aucun risque." il avait beau avoir un corps idéal pour devenir un hôte parfait, elle n'allait pas risquer de se faire dessouder une seconde fois pour ses beaux yeux. Surtout que plus les minutes filaient, plus elle avait la sensation que la situation lui filait entre les doigts. S'étant levé, il vagabondait dans les maigres rayons, toujours pointé de cette arme qui ne le lâchait pas d'une semelle. Plissant les yeux, elle ne le lâcha pas du regard, près à faire feu. A quoi jouait-il au juste ? "R'assieds toi, je t'ai pas dis de te lever." maugréa-t-elle, les sourcils froncés. Tout ça ne lui disait rien qui vaille et peu à peu, une mauvais pressentiment s'éveilla en elle.

A peine quelques instants plus tard, comme pour donner raison à son sixième sens au moins aussi développé que celui de Spiderman, un objet volant non identifié vint s'écraser contre la baie vitrée de la station service dans un fracas assourdissant. Le vent s'engouffra brusquement dans la pièce, projetant des éclats de verre, renversant les étalages d'un seul souffle. Balayée par cette force surhumaine de la nature, Scar perdit l'équilibre, projetée contre le mur derrière elle dans un cri de terreur. Le choc lui fit lâcher l'arme qu'elle tenait qui glissa plus loin, hors de portée. "Merde !" eut-elle tout juste le temps de penser avant qu'une bouteille de whisky bon marché ne vienne se fracasser contre se crâne. Bien que ce soit ni l'endroit ni le moment, elle s'écroula donc sur le sol, totalement inconsciente.

Ils étaient bien tous pareils, les hommes, à croire leurs charmes si irrésistibles qu'un sourire de bellâtre suffirait à faire succomber la première demoiselle venue. Et puis quoi encore ! elle en avait vu d'autres des comme lui, et des tas ! la prenait-il pour une de ces blondes écervelée faisant la couverture de leurs magazine people ? de celles dont les humains semblaient si friands ? peut-être ! avec un gourdin dans la mirette, toute confusion était possible. Elle plisse le nez, pas dupe. Elle en a vu défiler des gars comme lui quand elle était encore Velma, souvent des mecs louches, des taulards ou des petite frappes, elle les connaissait presque par cœur aujourd'hui. Bref, le problème n'était pas là et elle aurait probablement adoré passer du temps en sa compagnie dans d'autres circonstances que celles-ci. Mais aujourd'hui elle devait penser à elle, à sa survie - c'est fou comme une décharge de chevrotine en pleine poitrine nous fait nous sentir moins invincible tout à coup - et à rien d'autres; aussi canon cet homme soit-il.

Quand il s'approcha d'elle d'abord lentement puis à grande foulée, elle ne réfléchit pas trois secondes de plus, retirant la sécurité de l'arme qu'elle tenait, elle s’apprêta à faire feu. Mais le bruit sourd qui retentit n'avait rien d'un détonation de fusil tout comme le coup qui la cloua au sol ne vint pas de la paire de ciseaux que l''homme tenait. D'un coup d'un seul, nos deux compères se retrouvèrent projetés tels deux diables hors de leurs boîtes, et ce fût le blackout complet.

Elle émergea, pas aussi fraiche que la rosée du matin - plutôt comme la bouteille de rosé de la veille comme dirait Foresti -, puant l'alcool à plein nez si bien qu'elle se demanda si elle ne se réveillait pas tout simplement d'une cuite ayant mal tourné. Peut-être qu'en ouvrant les yeux elle se rendrait compte que tout ça n'était que le fruit de son cerveau malade : sa mort, ce nouveau corps, cet ouragan et cette station service à la con. Marty serait là, avec sa tronche de benêt habituelle, prévenant de nature il aurait un verre d'eau et une aspirine à la main. Mais tout ce beau petit scénario ne concordait pas vraiment avec le carrelage gelé qu'elle sentait sous elle, ni cette odeur de renfermé mélangée à la javelle qui parvenaient à elle par effluves. Ouvrant un oeil, une migraine terrible l'assaillit tandis que le décors flou autour d'elle se précisait lentement. Elle tira bien vite un trait sur ses divagations utopiste et revint bien vite à la réalité : elle était toujours avec cet homme, piégée dans cette fichue station service, trempée, puante et poisseuse. Se consolant comme elle pouvait, elle se dit qu'au moins elle n'était pas morte une nouvelle fois.

Tâtant le sol autour d'elle, elle n'y trouva évidemment pas l'arme qu'elle avait subtilisée à son camarade un peu plus tôt - c'était pas faute de rêver - , elle était donc définitivement perdue ou bien retournée dans les mains de son propriétaire. Dommage. Bref, toujours immobile, allongée à même le sol, elle leva un œil sur lui pour l'observer quelques secondes. Il lisait une revue, de celle qu'elle avait en main avant son arrivée. Ha ha, elle le savait ! tous les mecs virils on un petit côté métrosexuels dans le fond, elle mettrait sa main au feu que ce gars là savait se pencher pour ramasser sa savonnette. "Alors Supermâle, on est en quête de conseils beauté ?" argua-t-elle, se redressant non sans mal contre la paroi froide de leur abri de fortune. Testant l'un à un ses membres encore engourdis, aucun n'était cassé, fort heureusement. Cela dit, les bouts de verres plantés ça et là dans sa chair, lui offrant un spectacle digne d'un bon vieux Romero, manquèrent de lui faire rendre ses chips. Elle se retint de hurler, histoire de ne pas rendre la situation encore plus pénible qu'elle ne l'était, essayant de déloger un morceau planté dans sa main sans succès.

Histoire de ne pas penser à la douleur sourde qui envahissait tout son corps engourdit, elle se mit à penser. GRAVE ERREUR ! car tous ses doutes, ses suspicions, virent lui sauter au visage aussitôt. Pourquoi diable ne l'avait-il pas achevée ? ou laissée là bas ? après tout, n'était-il pas sur le point de la planter sauvagement avec un ciseau Playschool avant que la tempête ne les emporte ? Étrange, bizarre, illogique vous allez me dire. Et bien oui, Scarlett elle même ne comprenait pas trop ce revirement. Bien que la peur qu'il l'achève là tout de suite maintenant s'était envolée; d'une parce qu'elle aurait de toute façon donné n'importe quoi pour ne plus sentir le vieux clochard alcoolique, de deux parce qu'il ne se serait pas emmerdé à lui sauver la couenne pour la dessouder la seconde suivante, elle trouvait quand même ce retournement de situation très louche. Il avait décidé de l'épargner pour l'instant, soit par pure bonté, soit parce qu'il lui réservait un sort peu enviable - qui sait, peut-être avait-il décidé de l'épouser ? -. Mais même si toutes ces interrogations lui brûlaient les lèvres, elle n'était pas de celle qui demandait "pourquoi ?", le genre de question stupide dont elle n'aurait pas la réponse à sa place et qui aurait sûrement le don de l'énerver. Alors elle se contenta de marmonner un "merci…" renfrogné, laissant reposer sa tête contre le mur derrière elle. "De pas m'avoir laissée là bas j'veux dire... c'est mon charme irrésistible qui t'as fais changé d'avis ?" ricanante, elle se savait poisseuse, trempée et pas vraiment gracieuse de nature. Aaah si seulement elle était encore dans son bon vieux corps, il lui manquait ce saligaud ! "On va en avoir pour un bout de temps avant que ça se calme... j'te proposerais bien une partie de Monopoly pour passer le temps mais eh ! on en a pas." haussant les épaules, elle se demanda s'il avait aussi pris des vivres, où s'ils étaient condamnés à mourir de faim dans des toilettes publics.

Un, deux, trois bouts de verres qu'elle venait d'extraire de sa peau trônaient à présent sur le sol de carrelages gris, maculé de sang coagulé. Elle serra les dents, extrayant un quatrième et dernier logé dans son épaule qu'elle laissa choire avec les autres. Elle se dit qu'au moins, le whisky allait lui éviter l’infection; autant se consoler comme on peut. Adossé au mur face à elle, l'homme la fixait bizarrement tel une psychopathe pédophile dans un jardin d'enfant. Lui adressant quelques coups d’œil de temps à autre, un frisson la parcouru à la vue du sourire étrange genre glauque qu'il arborait. Okey, super, elle était tombée sur un tueur en série genre "i wanna play a game". Peut-être que c'est pour ça qu'il l'avait laissée en vie, peut-être qu'il lui avait planqué un machin dans le bide et qu'elle n'avait qu'1 minute 45 secondes pour le récupérer et rester en vie. Reste plus qu'à espérer que c'était un paquet de chips ou des clopes car c'est bien la seule chose dont elle avait besoin en cet instant, en plus d'une douche.

Mais les secondes passaient et notre bon monsieur semblait de moins en moins psychopathe. En fait, il a plutôt l'air d'un américain lambda, un type un peu lourd, du genre à boire des bière en mattant le Superbowl et à faire des blagues sur les étrangers et les gros.

Bingo.

A sa boutade, elle se contenta d'hausser les épaules, une petite moue sur les lèvres. Elle était trop habitée à ce genre de remarque sur le corps disgracieux qu'elle habitait pour s'en offusquer encore. Après tout, on peut bien rire de tout, restons ouvert d'esprit il n'y a pas mort d'homme. "Hmmmmmmmmmm moui y'a de l'idée. En plus l'alcool y'a rien de tel pour donner un ptit goût sympa à la bouffe." enchéri-t-elle sur le ton de la plaisanterie, bien que son camarade de toilettes publiques ne semblait plus d'humeur à se gausser. Tiens donc, n'était-ce pas de la honte qu'elle lisait dans ce regard ?

Il s'excusa platement de sa blague naze, ce à quoi elle ne su pas vraiment quoi répondre. Franchement il y avait bien plus préoccupant en ce moment même qu'un banale histoire de moquerie: genre survivre à un ouragan par exemple. "Meh, c'est pas la fin du monde." répondit-elle avec douce ironie, feignant l'indifférence un sourire aux lèvres. "Je me console en me disant que si j'avais été encore dans mon ancien corps t'aurais été à mes pieds." Il serait sans doute passé à la casserole d'ailleurs, et en aurait même redemandé. "Parce que j'étais bonne."

"Je savais bien que tu ne m'avais pas sauvée des griffes de la mort par pure bonté d'âme, en fait tu cherchais quelqu'un pour parler chiffon." Susurra-t-elle, désignant du chef le magazine féminin à ses côtés, rassurée malgré tout d'apprendre qu'elle avait encore un peu de temps devant elle avant de clamser une fois encore. Il voulait donc faire la causette telle une collégienne pucelle à une pyjama party; soit. Le problème c'est que ça allait vite devenir rasoir, surtout parce qu'ils avaient pas de picole avec eux. Mais bon, fallait bien passer le temps après tout; autrement elle pouvait toujours tenter de se trancher les veines avec du papier toilettes senteur florale. "Eh bien... disons qu'un type un peu dans ton genre m'a justement n'a pas été aussi généreux que toi et m'a collé une balle dans le crâne." le souvenir douloureux lui revenant en mémoire, elle grimaça, chassant ces image pleines d’hémoglobine de son esprit. "Sinon ben... j'avais le choix entre affronter un ouragan ou passer la soirée en ta compagnie. Bien que l'ouragan soit un option sympa j'admets que jouer à action ou vérité dans des toilettes publiques a aussi son charme. Et pour la bière... honnêtement si ça tenait qu'à moi je me contenterai de n'importe laquelle qui me passerait sous la main là tout de suite maintenant. Je donnerais n'importe quoi pour une murge comme à la bonne époque."

"Satisfait monsieur curieux ? à mon tour alors... qu'est-ce que tu fout là, toi ? alors que tu dis connaitre un tas de truc sur le groupe de survivants humains ? j'veux dire... si tu sais où ils sont tu serais pas mieux avec eux plutôt qu'ici enfermé dans des toilettes qui puent ?"

Elle avait beau avoir passé les trois quarts de la dernière heure à roupiller telle un ours dans des cadavres de bouteilles de wisky, la fatigue vint de nouveau s'emparer d'elle. Baillant aux corneilles, elle écoutait d'une oreille distraite les élucubrations de son voisin de chiottes. Il avait l'air d'une grande gueule, de ceux dont elle s'entourait quand elle était encore une jeune fliquette en manque de compagnie viril. Celui là n'avait comme seule différence avec les autres qu'il était encore humain. Pas de doute, il ferait un bon hôte; mais cela faisait longtemps - voir même depuis le début en réalité - qu'elle avait renoncé à l'embarquer. Trainer un gros gaillard comme lui jusqu'à New-York était un exercice bien trop périlleux pour elle si on prenait en considération sa santé physique de baleine asmathique. Et puis bon, elle s'était pris d'affection pour cette grosse bébête poilu dont elle ignorait encore le nom - elle avait décidé de l'appeler "chewbi" jusqu'à nouvel ordre -. Sympathiser avec l'ennemi ? bien joué Scarlett t'aurais pas pu tomber plus bas.

"Ha !" s'exclama-t-elle, amusée. "Je m'inquiète pas trop pour ça... t'as autant l'air d'un soldat que moi d'une fille prête à passer une nuit "torride" en ta compagnie". Un sourire sur les lèvres, elle leva les yeux au plafond avant de chercher de quoi se confectionner un coussin d'infortune pour s'allonger et chercher un sommeil bien mérité.

Je ne sais combien d'heure plus tard - ces toilettes manquaient cruellement d'horloge si vous voulez mon avis - elle ouvrit un œil, tirée de son sommeil par des bruits sourds étouffés. Pensant tout d'abord à son petit copain chewbi, elle écarta rapidement l'idée puisqu’il ronflait toujours sans avoir bougé d'un poil de cul. "Joli le 'soldat' !" dit-elle tout bas d'un ton railleur, se levant pour déterminer d'où les bruits provenaient. Elle ne mi pas bien longtemps avant de comprendre que les bruits venaient de derrière la porte. Quelque chose était là bas, quelque chose qui foutait un bordel sans nom.

Grisée par l'idée que cela puisse être des copains hosts, elle s'aventura à tenter d'en contacter un sur les fréquences que notre gros chewbi chéri ne pouvait pas entendre. Pas de réponse. Okey, soit elle était un peu rouillée, soit ce qui se trouvait derrière cette porte n'était pas en mesure de l'entendre. Un humain ? merdum criticum, s'il la trouvait, elle était cuite !

Décidée quand même à savoir de qui il s'agissait, elle entrouvrit la porte doucement.La chose devant laquelle elle tomba n'avait rien d'un humain, ni d'un host d'ailleurs. C'était un ours. "Un ours ??" son cœur ne fit qu'un bon, ayant soudainement décidé de se taper un tour de grand huit en invitant toute sa clique de potos d'organes. Seul son cerveau encore à moitié disponible lui clama de faire quelque chose de plus intelligent que de rester plantée là en attendant de mourir dévorée par un ours mal léché : réveiller l'humain.

"Hé budy ! réveille toi mon gros on a un problème..." dit-elle en lui secouant l'épaule mollement tout en priant intérieurement qu'il ne se réveille pas en lui carrant trois balles dans le ciboulot. "On a de la visite... style plein de poils, de griffes et de crocs qui ne rêvent que de nous bouffer. Un pote à toi ?"

"On va tous mourir on va tous mourir on va tous mourir je veux pasmourirdansdestoilettescommeunevieillejunky" les yeux ronds comme des soucoupes, la respiration coupée - au cas où notre copain nounours soit attiré par la mauvaise haleine on sait jamais - Scarlett fixait la porte d'entrée de leur futur tombeau de faïence où une tête poilue venait de faire son entrée. Nan mais sans rigoley, question bestiole à fourrure ils avaient déjà bien assez d'ambassadeur en la présence de notre très cher chewbi, pas la peine d'en rajouter un de plus; y'a des quota à respecter je vous signale bande de mécréants ! Bref, aussi réactive qu'une crevette à la plancha, elle se contenta de suivre l'exemple des jeunes femmes dans les films d'Hollywood et de la jouer potiche-en-détresse-qui-sert-à-rien - parce que faudrait pas volley la vedette au héros viril voyez-vous -. SAUF QUE PAS DE BOL ÉVIDEMMENT notre copain humain ne tarda pas à prendre la taulée de sa vie et à finir en mode serpillère sur le carrelage. Bon ben génial, maintenant que papa ours allait être occupé à boulotter notre gus, elle allait pouvoir envisager une tentative de fuite ninja et décadrer son cul d'ici vite fait.  Mais Ô RAGE Ô DÉSESPOIR ! alors qu'elle longeait le mur en mode "crabe" pour sauver sa vie, une vieille copine nommée "culpabilité" accompagnée de son poto "remord" vinrent sonner à la porte de sa conscience - qu'elle aurait mieux fait de piéger à la dynamite si vous voulez mon avis -. Elle abandonnait ce type à une mort certaine alors que lui, il l'avait pas fait. Cela faisait-il obligatoirement d'elle une grosse salope ou bien aurait-elle droit à des circonstances atténuantes style "je risquais quand même grave de mourir de décès" au tribunal de son estime de soi ? En d'autres circonstances, elle aurait probablement haussé les épaules en se disant qu'après tout rien à foutre "la vie c'est la jungle, baby", mais là elle n'y arrivait pas.

Le problème c'est qu'elle ne savait vraiment pas quoi faire. Elle avait eu l'occasion de passer les menottes à un tas d'humains - c'était pour le travail - et même attraper une fois un koala dans les égouts de New-York; mais boxer un ours c'était inédit pour elle !
L'autre problème, c'est que 3 longues secondes étaient déjà passé depuis le début de ma narration et que notre copain Winnie l'ourson n'allait faire qu'une bouchée de cet humain incessamment sous peu. Elle aurait pu utiliser la diplomatie et tenter d'ouvrir le dialogue : "bonjour très cher représentant de la famille des ursidés poilus, excusez moi de vous importuner mais je veux seulement vous signaler que je suis une humaine de la planète Terre et que j'ai beaucoup trop mangé de cochonneries dans ma vie pour constituer un repas équilibré. Veuillez agréer l'expression de mes sentiments distingués, merci au revoir"; le problème c'est que la bestiole avait l'air un peu trop mal léchée.

A la quatrième seconde de pérégrination mentale inutile, Scarlett se décida enfin à agir. Attrapant l'arme du gus - qui tapait toujours la sieste par terre comme une feignasse - espérant vraiment beaucoup que cette dernière possèderait encore quelques balles, elle pris une longue respiration pour stabiliser ses bras qui se la jouaient flubber-parkinsonien. Prise d'une furieuse inspiration badass, elle balança sur l'animal - pour détourner son attention du schtroumpf dormeur - le premier truc qui lui passa sous la main : une savonnette bleu pastelle un peu jaunie. Bingo, ça eu pour effet de bien vénère pandi-panda qui se tourna vers Scarlett dans un braillement qui n'était pas sans rappeler ceux de Scar dans sa mauvaise période du mois. La mâchoire crispée, les mains moites, elle leva l'arme pour viser la gueule béante de l'animal, déchargeant autant de cartouche dans sa glotte que le chargeur lui permettait. Quand elle repris ses esprits et s'arrêta enfin, le flingue dans ses mains, cliquetant, ne tirait rien d'autre que du vent. La grosse bébête poilue - l'ours, pas chewbi - était inerte sur le sol, agonisant la gueule en sang. Putain sa race, est-ce qu'elle venait de dessouder un ours ?? UN  MOTHER FUCKIN OURS !

N'en croyant pas plus ses esgourdes que ses mirettes, elle se contenta de fixer la scène tel un mérou  un long moment jusqu'à ce que son rythme cardiaque reprenne enfin. L'humain était toujours par terre mais en vie si on en croyait son pouls (ça m'avait corrigé en "poils", funny :D). L'ours juste à côté de lui ne bougeait plus, mais elle alla quand même lui foutre deux trois coup de crosse dans la gueule histoire d'être vraiment sûre qu'il était dessoudé. Elle se réconforta un peu en se disant que peut-être il s'agissait là d'une maman ours dont les petits, quelque part dans la forêt, étaient maintenant condamnés à une mort certaine. BAH BIEN FAIT POUR LEURS GUEULES !

Elle n'avait pas spécialement attendu que le type se réveille. La tempête calmée, cette situation qui s'était offert à elle était limite trop idéale pour se faire la malle en toute discrétion et sécurité. Quittant la station service sans l'ombre d'un regret - non sans oublier de se remplir un sac de provisions of course - elle s'était contentée de laisser l'homme là, un post-it récupéré dans les fourniture du magasin collé sur son front :

"Salut mon gros chewbi.
Je suis désolée de t'apprendre que j'ai dessoudé ta petite copine.
Pour ma défense c'est un peu elle qui a commencé.
Btw, merci pour le sac et l'arme, elle est vide de toute façon.

A la prochaine super mâle !

Scar."

THE MOTHERFUCKIN END