Maestro, ça va faire un moment qu'on marche ensemble, et pourtant vous ne m'avez toujours pas dit qui vous étiez. Je ne sais rien de vous, ni votre nom, ni votre âge, ni votre profession. Vous savez tout de moi, je vous ai tout livré, même mes sentiments les plus profondément enfouis. Vous pouvez bien me dire quelque chose sur vous, nan?
Soit.
Soit? C'est tout?! Mais merde, j'en ai assez de marcher aux côtés d'un fantôme! J'ai juste envie de savoir à qui je parle, de savoir qui c'est la personne avec qui je partage mon temps depuis quelques jours, c'est trop vous demander?
Puisque c'est ce que tu désires jeune ami, je vais me présenter à toi. Je pensais que tu ne t'arrêterais pas à de telles futilités, mais j'ai visiblement placé trop d'espoir en toi.
Non mais je...
Laisse moi parler s'il te plais. Lord Leodagan Alexander Bartholomew Chatterton, cinquième du nom pour te servir. Neuro-psychiatre de mon état, j'ai abandonné la médecine le jour où elle m'a abandonné. Je viens de voir mon soixante-et-unième printemps, et laisse moi te dire que le monde n'existait qu'en noir et blanc lorsque j'avais ton âge. Je voyais les choses à travers un prisme, et ce prisme m'a été donné par mon éducation. J'avance le portefeuille aussi vite que je suis capable de t'éliminer de la surface de ce globe. Je suis un grand admirateur de Wagner, de Bach et de Chopin, mais je pense que ces noms doivent autant te parler que si un ornithorynque te montrait comment il construit son terrier. J'aime sentir la fumée de ma pipe remplir doucement mes poumons, et observer ton regard lorsque tu me vois en train d'expirer cette fumée. J'ai plus d'argent sur mon compte en banque que ta famille, tes amis et tes anciennes petites amies réunies n'en auront jamais, à tel point que je ne sais pas quoi en faire. Ma famille a fait fortune dans la vente et l'achat d'esclaves noirs, et je n'ai aucun scrupule à utiliser cet argent pour acheter des vinyls de Louis Armstrong, aussi paradoxal que cela puisse te paraître. Je n'aime rien de mieux que de voir des gamins de ton âge m'admirer et m'aduler, alors même qu'ils ne connaissent rien de moi, principalement parce qu'ils ne connaissent rien de moi. Malheureusement, arrive toujours un moment où, comme toi, mon jeune ami, ils désirent plus de moi que ce que j'accepte de leur donner, et comme toi, mon jeune ami, ils réclament de moi que je m'ouvre à eux et que je leur raconte ce qui a fait de moi ce que je suis. Ô combien ennuyante discussion! Alors je leur dis ce que je suis en train de te dire, ce discours si bien rodé, ce discours si souvent détourné. Nous voici au moment de nous séparer mon jeune ami, je ne peux plus vous dire qu'adieu, parce que je n'ai pas l'intention de vous revoir...
Maestro attendez! Je... Je ne veux pas qu'on se sépare, laissez moi vous suivre encore, j'aime nos discussions. Je faisais du stop avant de vous rencontrer, et franchement c'est beaucoup plus fun que de traîner tout seul sur le côté de la route... J'ai l'impression enfin de me sentir vivant, grâce à vous! Si nous nous séparons, ce serait comme si je devais crever...
Il semble alors que je doive te tuer.
Pardon?
Ô ne t'en fais pas, je vais viser un endroit bien précis de ton crâne, tu n'auras pas le temps de sentir quoi que ce soit, les nerfs véhiculant la douleur seront détruits provoquant un flux de sang dans ton crâne, que celui-ci ne supportera pas. Ta cavité crânienne se remplira petit à petit de ton liquide vital, et tes cils auront tout juste le temps de cligner trois fois, avant de se fermer à jamais, ou plutôt de s'ouvrir à jamais, puisque lorsque ton cœur cesse de vivre, tes yeux s'ouvrent et non se ferment comme on le dit trop souvent. Ton cœur, parlons-en! Il cherchera à amener du sang vers le cerveau pour éviter les fuites, mais ses efforts seront vains, puisque rapidement plus rien ne fonctionnera à l'intérieur de ton corps, et alors tu t'effondreras devant moi.
Qu'est-ce que vous me raconter là?!...
Lord Leodagan Alexander Bartholomew Chatterton, cinquième du nom, neuro-psychiatre de mon état, responsable de ta mort, d'un coup de pistolet dans le crâne. Celui qui t'aura appris à ne jamais poser trop de questions. Adieu mon jeune ami. Tu n'auras pas été le premier à rencontrer ma route, et tu ne seras pas le dernier je le crains.
Maestro attendez...
Maintenant, tu vas cligner des yeux, inexorablement. Une fois, tu as le temps de me voir une dernière fois aspirer la fumée de ma pipe. Deux fois tu as le temps de me voir sourire une dernière fois. Trois fois, ce sera ta dernière inspiration. Ouch, le château de cartes s'est écroulé!



Les négociations le mettaient dans un état indescriptible. Chaque jour amenait son lot de stress et de fatigue. Ils devaient céder, lui ne céderait jamais. L'argent devait lui revenir, rien ne l'en empêcherait. Il saurait être persuasif. Si jamais la partie adverse ne se montrait que peu coopérative, il avait toujours la possibilité d'utiliser Maria. La jeune femme faisait la fierté de son père, et avait eu la mauvaise idée de s'enticher du mauvais type. Faut dire qu'il avait des arguments ce type. L'argent, la bonne gueule, le charisme, elle n'avait pu résister à son ignorance et avait gentiment accepté de livrer son cou en otage à ses lèvres. Elle pensait avoir découvert l'amour, lui avait trouvé son moyen de pression sur beau-papa qui ignorait encore qu'il était ce fameux beau-papa. Les relations doivent toujours être utiles dans la vie, et si Dieu a créé la femme, c'est pour que l'homme l'utilise. Lui savait les utiliser. Les larmes qui coulaient sur leurs joues n'étaient pas son problème, les billets verts qui glissaient dans sa main étaient plus importants. Maria s'en remettrait, elle lui en voudrait, mais finirait par l'oublier, par se marier avec quelqu'un. En attendant, tant que les négociations ne seraient pas finies, il continuerait de hanter son lit, et d'habiter son corps. Simple question de professionnalisme, l'argent était au bout, grâce à ça, il aurait son propre laboratoire, enfin! Pouvoir s’asseoir derrière un bureau et traiter des numéros de dossier plutôt que des personnes, remplir les comptes en banque, commander du tabac, et le fumer en regardant l'empire Chatterton en pleine expansion. Sur le mur, à sa droite, des portraits de ses ancêtres: Leodagan, premier, second, troisième et quatrième du nom. D'eux, il avait hérité le flair pour les bonnes affaires et les femmes fragiles, le don de la verve, et le domaine. A ses descendants, il léguerait le triple. Les Chatterton vivraient. Quoi qu'il arriverait.
Les femmes seront toujours présentes pour être utilisées par les hommes. Les femmes Chatterton ne seront là que pour porter les fils Chatterton. Leodagan l'a bien compris et l'a rapidement mis en pratique.


Carnet de Leodagan
Le sang a coulé sur le champ de coton, le peignant en rouge. Je crois que j'ai raté une carrière de peintre, je sais si bien mélanger les couleurs! Le rouge, couleur si difficile à maîtriser, aurait été ma marque de fabrique. Je l'aurai fait avec mes propres pigments, mes propres méthodes. Le château de cartes s'est écroulé et revoilà ma vieille amie qui vient m'accompagner: la solitude. Toujours à mes côtés, je recommence à parler à mon reflet dans les flaques d'eau que la nature crée, je recommence à parler au vent qui m'entoure, à l'air que je respire. Je recommence à m'adresser à Leodagan Chatterton. J'ai du repartir sur les routes, j'espère recroiser un compagnon bientôt, je ne sais me passer de la compagnie de ces êtres qui ont l'âge qu'il me reste approximativement à vivre. Les côtoyer me permet de me rendre compte que je suis plus proche de la terre que de la vie. Pourtant je continue d'avancer, parce qu'il le faut, il faut que j'avance et que je trouve quelqu'un pour m'accompagner, jusqu'au moment où il demandera mon identité. Je ne pourrais le supporter une fois encore. Ils me prennent pour des fous dans la ville, je le sens bien. Un fou, qui ne parvient pas à aligner deux lignes correctement. Le vieux gâteux, le petit vieux qui perd la boule... mais je suis bien plus conscient qu'eux, je sais que l'Humanité coure à sa perte, parce que l'Humanité ne cesse de regarder son propre centre au lieu de regarder autour. Mes amis sont tous partis, ceux qui sont restés, j'ai du leur dire adieu, parce qu'un au revoir aurait signifiait que je les reverrai. Mais je sais que je ne les reverrai plus. Alors je suis parti à mon tour, mon porte feuille dans ma veste, mon pistolet dans ma manche, prêt à dégainer. Le sang a coulé ce matin, il coulera encore, je crois que ma passion de peintre s'est révélée. Je ne peux plus l'ignorer...



Quand je vous vois Maestro, je me mets presque à oublier tout ce qui arrive je vous jure! J'ai de nouveau envie d'espérer que le monde n'est pas si fou que ça! Qu'on n'est pas condamnés!
Mais ma jeune amie, nous sommes condamnés. Ce qui est arrivé devait arriver. C'était écrit depuis longtemps, l'humanité a couru à sa perte, nous allons tous y passer ma pauvre enfant.
J'ai l'impression que vous avez vécu tellement de vie! Vous me semblez tellement sage!
Je n'ai vécu qu'une vie aussi étrange que cela paraisse, mais vois-tu, j'ai ouvert les yeux très tôt. Ce monde que je vois autour de moi ne me fait pas peur, pas comme à vous tous, qui courraient dans tous les sens pour échapper à je ne sais quoi. Vois-tu, je regarde les choses, les êtres et je me fais une vie de ce qu'on me donne. J'ai de l'argent, mais actuellement cela ne sert plus vraiment autant qu'avant, pourtant on continue à me respecter. J'en déduis donc que je dégage une certaine aura, qui me protège...
De l'argent? Sans vouloir vous vexer, vous ressemblez à un clochard...
Si par clochard, tu entends que je n'ai pas de toit fixe, je pense que nous sommes tous dans le cas-là actuellement ma jeune amie. Je n'en fais simplement moins de cas que vous.
Vous comptez faire quoi si un Host vous tombe dessus?
Ce que j'ai toujours fait... je m'en sortirai...
C'est ce que disait mon petit ami... et il n'a pas survécu... il fait partie des leurs maintenant...
Ton petit ami n'était qu'un lâche qui s'ignorait. Je suis un lâche parfaitement conscient de l'être, c'est là ma plus grande force.
Ouais je sais pas, j'aimerai vous croire... Dites Maestro... si c'est moi qu'ils attrapent, vous me sauveriez?
D'une balle en plein dans le crâne ma jeune amie, oui je te sauverai en te tuant. Ton sang s'égouttera petit à petit au sol. Ils ne pourront plus te récupérer.
Vous seriez capable de me tuer?
En doutes-tu?


Carnet de Leodagan
J'en ai été capable. Son château de cartes s'est écroulé. Lorsque ce sera le tour de mon château de s'écrouler, j'espère être capable d'agir envers moi comme j'agis envers les autres.


Carnet de Leodagan
Trois conserves.
Une gourde d'eau.
Dernier stylo entamé, bientôt en rade.
Tabac à moitié épuisé.
Cinq balles en stock. Deux chargeurs.
Solitude, depuis la mort de la dernière.
Chatterton doit vivre. Chatterton vivra.
Je parle à nouveau à moi-même, vais finir par en crever.

Le monsieur ou la madame qui est derrière Leodagan est parfaitement dérangé(e) mais ne mords pas. J'ai beaucoup de points communs avec Leodagan, j'aime la verve, les mots, les mettre en forme, les tourner, et les détourner. J'apprécie beaucoup vos smileys pokémons (et le petit zombie aussi il est meugnon).
Je soufflerai un de ces quatre ma vingtième bougie et ça me file les jetons de changer de décennie, mais faut bien y passer un jour. J'écris depuis un petit moment déjà, que ce soit rp ou non d'ailleurs, mais niveau rp ça a été avec des très grosses pauses entre temps.
Dans la vie, j'aime le chocolat noir, Tarantino (sans blague?), l'univers médiéval (d'où le prénom de Léodagan ben quoi?), apprendre et des tas d'autres choses, mais la liste ne serait jamais exhaustive, donc autant arrêter. Je suis tombé chez vous en allant de partenaires en partenaires, voyant des tas de fora, avant de tomber là, je voulais absolument jouer Christoph...