Gare
12 février 2007
« On peut commencer n’importe où, même par le commencement. »
Nous marchions en silence, nos deux silhouettes rompant la marche intuitive des voyageurs s'en allant de la gare. Nous étions semblables à des pantins endormis, s'éloignant en silence de ce que nous savions désormais passé et souvenirs. Tête baissée je posais mon regard sur les passants. L'humidité perlait sur leurs manteaux sombres alors qu'ils s'éloignaient d'un pas pressé. Je me contentais d'avancer, retardant l'instant où je prendrais leur place dans le train et où celui-ci me laisserait disparaître à jamais de ce que j'avais pu connaître. La pluie s'écoulait lentement sur les quais extérieurs mais je ne reculais pas, inspirant profondément jusqu'à arriver devant mon wagon.
« Pardonne moi Dawn.-Tu sais très bien que je ne t'en veux pas papa. »Je me retournais vers lui avec un sourire rassurant. La culpabilité et la tristesse que je lisais dans son regard m'avait suffit à lui pardonner. Il sourit faiblement à son tour, m'enlaçant de ses bras pour me tenir contre lui. C'était la première fois qu'il me prenait ainsi dans son étreinte, comme conscient que ce serait la dernière fois.
« Je t'enverrai des nouvelles régulièrement. En attendant que tu ailles mieux et qu'on puisse se retrouver. »Il ne répondit rien, souriant toujours de ce sourire mélancolique tout en me libérant de son emprise. Peut être avait il comme moi tellement de chose à dire que ses mots restaient prisonniers en lui. Je ne ressentais aucune tristesse à ce départ, comprenant que nous ne serions jamais heureux si nous restions ensemble.
D'un geste de la main je lui dit « au revoir », mémorisant sans le savoir la dernière image que j'aurais de lui. Celle d'un homme détruit par la drogue, le regard épuisé et les yeux brillant d'une dernière lueur d'espoir. Un homme me dirigea à l'intérieur du train avant de refermer les portes de celui-ci.
Centre d'adoption
10 octobre 2008
« Elle avait toujours été étrangère à la nuit,
mais à jamais amante de l'aube. »
L'obscurité avait prit d'assaut le centre, les lumières des couloirs s'éclairant afin de rendre une certaine âme au bâtiment. J'entrais dans ma chambre tout en laissant la porte ouverte, écoutant avec attention les déplacements dans le couloir.
« Tu comptes dormir habillée ? »Nora se pencha au dessus de moi avec cet air abattu. Je n'avais jamais compris son engouement à scruter mes moindres faits et gestes. Pour autant je ne répondis rien, lui souriant avec exagération avant de m'asseoir sur mon lit. Elle bougonna sans que je ne parvienne à entendre ses mots avant de disparaître dans le couloir une brosse à dent à la main. Mes deux autres colocataires de chambre échangèrent un regard avec malice. Une voix rauque retentit dans le couloir. Les yeux illuminés je me précipitais à la porte de ma chambre pour pencher la tête hors de celle-ci. Le surveillant venait de faire son apparition pour s'assurer que tout était en ordre. Je me déshabillais à toute hâte pour enfiler mon pyjama et m'aventurer précipitamment dans le couloir en sa direction. J'entrais directement en collision avec lui, m'appuyant sur lui dans la feinte de ne pas trébucher et glissant discrètement ma main dans sa poche. En quelques secondes je retirais le petit trousseau de clefs qui s'y trouvait pour le glisser dans mes sous vêtements et me redresser.
« Mademoiselle Ambrose où allez vous comme ça ?! -Aux toilettes. - Dépêchez vous et regardez où vous allez ! »Je le gratifiais d'un regard avant de me diriger jusqu'aux toilettes. S'il aboyait beaucoup, il n'en restait pas moins ridicule de son incapacité à faire respecter son autorité. Quelque part je préférais m'estimer heureuse. Je n'avais jusqu'ici jamais été prise en flagrant délit même si l'on venait vite à se rendre compte de la disparition des trousseaux. Je prenais soin de les remettre chaque fois dans un lieu où il serait facile de les retrouver.
Je reprit le chemin de ma chambre après quelques minutes pour me glisser dans mon lit et mettre les clefs à l'abri dans le drap de mon coussin. En cet instant je n'avais plus qu'à fermer les yeux et me perdre dans mes songes, envahie d'un soulagement naissant.
« Dawn ! Réveilles toi à la fin. »Je bondis d'un sursaut dans mon lit, me retrouvant face à l'obscurité de la pièce. Je sentais la présence de Lucas sans pouvoir le voir, mes yeux encore endormis.
« Y a une qualité qui s'appelle discrétion tu sais ? »Je n'eus pas besoin de voir son visage pour imaginer l'air amusé qu'il devait arborer. Sans faire de bruit j'attrapais les clefs que j'avais soigneusement cachée avant de quitter mon pyjama et d'enfiler les vêtements qui me passaient sous la main. Seul le bruissement des vêtements contre ma peau venait troubler le calme de la chambre. J'attrapais une dernière enveloppe que j'avais laissée dans mon sac pour ensuite me diriger dans le couloir à l'aide de Lucas. Nous étions désormais seuls âmes dans ce grand bâtiment, tels des fantômes hantant encore les vieilles bâtisses. Il n'y avait que ces escapades nocturnes pour nous redonner encore l'impression d'être les rois du monde, d'être libres comme tout adolescent de 17 ans aurait rêvé d'être. Je dévalais les escaliers à toute allure, étouffant mes rires comme je le pouvais. Si la surveillance devait être maintenue jusqu'à l'heure du réveil, tout le monde savait que plus personne n'arpentait les lieux après 1 heure du matin. De quoi laisser vivre mes envies les plus folles et rendre une certaine humanité aux vies qui nous confinaient ici.
Je m'engageait dans la grande cours, Lucas sur mes talons. Les portes n'avaient jamais résistées à notre culot et j'avalais l'air d'une grande inspiration à chaque fois où nous arrivions à la rue principale.
« Ça faisait longtemps ! - Trop longtemps. Je suis contente que tu sois revenu. C'est que ça commençait presque à me manquer de ne pas faire mes balades nocturnes seule. - Profites en bien alors ! Parce que apparemment c'est toi qui va partir dans peu de temps. - Peu importe. On se sera vu entre temps. »Je lui souris. Il ne comprenait pas pourquoi tout était insignifiant pour moi. Non pas que ça l'ai été. Mais j'aimais autant être ici qu'ailleurs, consciente que le bonheur ne se trouvait pas à un endroit précis et que j'aurais quoi qu'il en soit très vite le choix de devenir qui je voulais être une fois ma majorité atteinte. En attendant je restais là à attendre. Je n'avais encore pas pu être accueillis dans une famille. J'avais bien entendu dépasser le seuil de l'âge moyen des adoptés depuis longtemps. J'allais pourtant quitter le centre dans quelques mois, à la fois impatiente et inquiète.
« Je te fais la courte échelle. »Sans un mot de plus je prit de l'élan contre sa main pour atteindre l'échelle de l'immeuble un peu plus haut et la tirer jusqu'au sol. On avait prit l'habitude de l'appeler la tour. Une fois avoir gravit les escaliers on pouvait apercevoir toutes les lumières de l'horizon sans qu'elles ne puissent nous atteindre. Ce soir là une épaisse brume entourait la ville. Elle effleurait les immeubles de ses extrémités comme un voile lumineux. Je me brandit sur le rebord de l'immeuble, faisant face au vide sans chercher à le voir.
« Putain de monde que j'aime... »Lucas me tira par la ceinture pour me faire descendre. Je fis volte face en reprenant mon équilibre pour venir lui sourire.
« Elle est pour qui la lettre ?- Pour mon père. »Je baissais les yeux sur l'enveloppe qui dépassait de ma poche. D'un geste je ravalais la lettre au fond avant de venir déposer mes lèvre sur celles de Lucas.
« Fais moi l'amour maintenant. »
Foyer d'accueil
21 juin 2009
« L'insouciance est l'art de se balancer dans la vie comme sur une escarpolette,
sans s'inquiéter du moment où la corde cassera. »
Cette chambre était bien trop grande pour moi. Les grands voiles des rideaux dansaient chaque nuit sous la caresse du vent, faisant vivre une myriade d'êtres sombres dans la grande pièce. Cela faisait deux mois que j'habitais cette maison, mes parents adoptifs ayant aménagés la chambre d'ami de façon à ce qu'elle reflète un semblant de vie. Ils avaient choisit des teintes lumineuses contrastées par une grande couette mauve et des rideaux violets. Le premier jours ils avaient affichés des sourires si grands qu'ils ne parvenaient plus à les faire disparaître de leurs visages. Neils et Caroline, le stéréotype du petit couple parfait. Ils avaient entamés des démarches d'adoption après que leur deuxième enfant, Heaver, est atteint sa majorité, cherchant sans doute à combler le manque de leurs enfants ou à parfaire l'image de leur famille parfaite. Heaver vivait encore avec eux, du haut de ses 21 ans elle suivait des études d'art. Elle était douée dans le dessin, gardant toujours un crayon et un calepin sur elle au cas où une vague d'inspiration venait à l’enivrer. Son frère Robin n'était pas beaucoup présent. Il avait 24 ans et habitait avec sa compagne dans le centre de Philadelphia. Quant à Neils et Caroline, s'ils avaient cette allure coincée et stricte de petit chrétiens, ils n'en étaient pas moins adorables. Caroline m'offrait toujours plus que je n'en avais besoin, restait à l'écoute même si je n'avais jamais osé lui parler de quoi que ce soit. Neils lui était plus réservé et plus autoritaire, mais ses sourires traduisaient toute sa sympathie. Il m'avait seulement suffit de faire croire que je rentrait dans le moule.
Malgré tout il restait cette chambre. Grande et froide elle me donnait chaque soir l'impression de me perdre. Cette nuit là le vent se faisait violent et m'empêchait de fermer l’œil. Calmement je me glissais hors de mon lit, traversant sur la pointe des pieds la pièce. Mon regard se posa sur le papier à lettre qui s'étalait lacement sur le bureau. J'avais cessée d'écrire, incapable de continuer à parler à un fantôme. Je me détournais lentement du meuble, ouvrant la porte dans un grincement furtif. A cette heure tout le monde dormais. Il m'arrivait parfois de passer par la fenêtre et de vagabonder dans la ville pour rentrer au petit matin sans que personne ne s'en aperçoive. Pourtant cette nuit il en était autrement. Je fis grincer la porte en l'ouvrant, mes pas résonnant faiblement alors que je descendais les marches d'escalier. Je pénétrais dans la cuisine en silence et me penchais au robinet pour boire quelques gorgées d'eau. J'eus à peine le temps d'en avaler deux qu'une main se posa sur mon épaule, me faisant sursauter et m'amenant à éclabousser mon t-shirt.
« Je t'ai eu ! »Je me retournais d'un mouvement, reconnaissant la silhouette d'Heaver dans la pénombre. Ses cheveux longs et bruns frémissaient en même temps qu'elle riait. D'un geste j'essuyais ma bouche contre mon bras avant de froncer les sourcils.
« Comme tu dis oui. Tu m'as fait peur. »Je ne lui avais jamais parlée plus que ça. Elle avait toujours semblé perdue dans un autre monde malgré le sourire qui étirait sans cesse sa bouche. Son regard était déstabilisant, ses yeux d'un vert si clair qu'il était impossible de s'en détacher.
« Petite nature ! Tu comptes partir en vadrouille comme tu le fais certains soirs ? Ou voler encore des objets à ma mère ?-Tu m'espionnes ?-Je t'ai vu par hasard.-Et tu comptes faire quoi ?-Tu fais ce que tu veux. »Il était impossible de savoir si elle disait la vérité. C'était comme si chaque chose qu'elle disait, aussi réelle soit elle, devenait dans ses mots une sorte d'ironie masquée.
« Pas ce soir j'avais juste soif. Je retournes me coucher. »Je m'apprêtais à partir lorsqu'elle continua avec amusement.
« Un joins ça te tente ? »Je me mordis la lèvre un instant avant de hausser les épaules. J'imaginais sans la voir le sourire qu'elle devait encore arborer. Sans un mot elle s'approcha dans mon dos, gravit un escalier avant de se balancer sur la rambarde de celui-ci.
« Suis moi alors. »Elle monta les marches, moi sur ses talons. Je ne savais pas pourquoi j'avais acceptée de la suivre. Au fond elle me fascinait d'une fascination inconnue et dangereuse.
Sa chambre était à quelques mètres de la mienne et une odeur de musque s'y échappait à chaque fois qu'elle en ouvrait la porte. Je n'avais jamais osée pénétrer à l'intérieur, et je ne pu m'empêcher de regarder tout ce qu'il y avait autour de moi avec curiosité, m'arrêtant devant chaque babiole qui ornait les meubles pour les effleurer du doigt. Nous ne disions pas un mot, entrant dans un monde autre part qu'ici. Elle ouvrit la fenêtre avant de souffler un nuage blanc dans l'atmosphère et de m'inviter à m'asseoir avec elle sur le lit.
Le temps venait de ralentir sans que je ne m'en rende compte. Chaque seconde m’immergeait dans cette insouciance néfaste qui nous berçait. Je riais en entendant ses rires sans trop comprendre l'amusement des choses. Innocemment elle approcha son visage du mien, sa main s'appuyant sur mon genoux avant de glisser sur ma hanche. Mes sourcils se froncèrent avec interrogation avant que je ne me remette à rire doucement. Sa bouche entra alors en collision avec la mienne. Durant quelques secondes je me laissais faire, me reculant finalement en lui souriant.
« Je ne suis pas lesbienne. - C'est juste pour rigoler. Juste une fois ! »Je restais interloquée, perdue dans ce petit nuage de fumée blanche qui m'embrouillait l'esprit. Sans m'en rendre compte je me rapprochais d'elle, la laissant reprendre mes lèvres après qu'elle ai quittée son haut. Sa main tiède glissa sous mes vêtements pour atteindre ma poitrine, une forme de dégoût m'envahissant alors. J'attrapais son poignet pour faire cesser sa course, la porte de la chambre s'ouvrant au même instant pour laisser apparaître Neils. Je n'entendit pas ses paroles, ses jurons et sa voix colériques faisant souffrir ma tête. Heaver se redressa d'un mouvement, son poignet échappant de ma main au moment où je fermais les yeux pour souffler.
« Quelle merde... »Heaver ne m'adressa plus jamais la parole, Neils nous ayant interdit tout contact entre nous. C'était si stupide que je ne su quoi répondre lorsqu'il me reprocha mes actes. Il ne mit que quelques jours avant d'appeler le centre d'adoption. Le seul qui riait encore après ça était Robin qui avait prit l'habitude de charrier sa sœur avec ça lorsqu'il venait rendre visite à ses parents. Je me suis mise à en rire qu'une fois avoir quitté leur foyer.
Appartement de Lucas et Dawn
02 mars 2011
«Nous n’avons qu’une liberté : la liberté de nous battre pour conquérir la liberté...»
Je fixais la grande porte sombre avec impatience. Le bruit de la clef dans la serrure résonna dans le grand couloir comme une libération. Lucas se tourna vers moi tout en appuyant de dos sur la porte pour qu'elle s'ouvre lentement. Son air de suspense et son sourire sournois étaient à deux doigts de me faire perdre pieds. Il referma d'un coup sec la grande porte avant que je ne puisse apercevoir l'intérieur de l'appartement.
« Aller ouvres moi ça ! »Je riais nerveusement d'impatience. Il haussa les épaules sans pour autant ouvrir l'objet de mon désire. Je levais les mains au ciel d'un air résigné avant de me glisser à toute vitesse sous son bras pour atteindre la poignée. Je sentis ses bras entouré ma taille pour m'entraîner hors de la porte, me faisant aussitôt perdre ma respiration.
« T'es vraiment chiant !- J'aime bien te faire attendre. »Sans patienter plus longtemps il m'ouvrit la porte, me laissant découvrir le petit appartement qui nous appartenait désormais à tout les deux. J'entrais avec enthousiasme dans le salon, frissonnant à la simple idée de m'imaginer ici. Lucas avait finalement trouvé une famille d'adoption peu de temps avant que je ne retourne au centre. Il avait prit l'habitude de m'appeler régulièrement pour prendre des nouvelles. S'être enfin détaché du centre lui avait permit de ne pas se retrouver à la rue une fois sa majorité atteinte. Sans diplôme il avait redoublé d'efforts pour trouver un petit travail dans un bar nocturne de la ville. Quant à moi l'on m'avait permit de rester au centre quelques temps si je contribuais au bon fonctionnement de celui-ci. Finalement il m'avait invitée à emménager avec lui, me permettant de quitter le monde a part dans lequel j'avais vécu quelques années.
« Il te plaît ton lit ? »Je scrutais le canapé du coin de l’œil. C'était la seule règle qu'il m'avait imposé si je venais à vivre avec lui, dormir sur le canapé. Il n'y avait de toute façon aucune chambre pour moi et même un sofa valait mieux que les lits superposés dans lesquels j'avais dormis jusqu'à aujourd'hui.
« Oh mais oui. C'est que tu me gâtes ! »Je lui adressais un grand sourire, reculant dos au canapé pour me laisser tomber à la renverse dessus et fermer les yeux.
« Merci. »
Philadelphie
Juin 2012
« La réalité n'a jamais été qu'illusion »
Nous avions fini par ne plus compter les jours, une sensation étrange nous restant à l'estomac pour nous rappeler la triste réalité. Ce monde n'était plus le notre, envahit par des êtres venus d'ailleurs comme l'on en voyait dans les films. Lucas et moi avions fuit, guidés par notre instinct sans vraiment savoir où nous allions. Il finit par ne plus parler, perdu dans ses pensées tandis que je me remémorait les derniers évènements dans l'espoir de comprendre. C'était comme si toute notre existence n'avait plus aucun sens, comme si nous étions devenus des êtres quelconques égarés dans le vide. J'avais suivit Lucas en dehors de la ville, et nous nous retrouvions désormais ici sans aucun but. Je vint m'asseoir à ses côtés, penchant la tête pour qu'il daigne m'accorder son attention.
« Ça ne sert à rien de rester ici. - Et pour aller où ? - Ailleurs. »Il m'était certes facile de dire ça. Mais il fallait se rendre à l'évidence qu'il n'y avait plus rien ici et que la simple idée de retourner dans la ville me procurait des frissons. Le monde ne nous appartenait plus. Lucas était pourtant réticent à cette idée, rattaché à tout ce qu'il avait vécu ici, tous ceux qu'il avait aimé et connu.
« J'ai besoin de retourner là bas. J'en ai pas eu le courage jusqu'à maintenant mais il faut que je retourne là bas. »Mes sourcils se froncèrent. Je savais que je ne pourrai pas l'en empêcher, et je me retrouvais partagée entre la peur de retourner là bas et la peur de me retrouver définitivement seule. Je m'appuyais contre la tôle qui nous servait d'abri, laissant sa phrase en suspens sans pouvoir y répondre. Lucas sentit mon malaise et tourna la tête vers moi.
« Je sais que tu n'as pas envie de venir et je n'ai pas envie non plus que tu viennes. »Je ne pu m'empêcher de rouler des yeux, me redressant sur moi même en inspirant d'agacement.
« Ton seul problème c'est que tu ne sais pas comment réagir face à ça. Moi non plus je ne sais pas. Mais chercher à affronter une chose que nous ne connaissons pas c'est plus que stupide de ta part. On s'en sort bien jusqu'à présent. On s'en ai toujours sortit. Il doit forcément y avoir un endroit où aller. Je sais que tu veux retrouver tes proches mais c'est trop tard. C'est pas des jours après qu'il faut se préoccuper d'eux ! »Je sentais en le voyant que le haussement de ma voix le surprenait autant que ma dernière phrase faisait naître de la colère dans ses yeux. J'arborais alors une moue suppliante pour l'inviter à taire le discours qu'il s’apprêtait à me balancer au visage. Résigné il soupira.
« Je suis désolé mais ce n'est pas toi qui va décider de ma vie. Je ne te demande qu'une chose. Attends moi jusqu'au 10 juillet. »Mes lèvres se pincèrent alors que je me rapprochais de lui sans un mot.
« Si je ne reviens pas, part. »Je lui souris faiblement, déposant ma main sur son épaule, les doigts tremblants. Il sortit une montre de sa poche pour me la tendre. Fébrilement je la prit au creux de ma paume. Mes yeux se baissèrent sur l'écran où s'affichait l'heure et la date. Je la glissais dans la poche de mon jean avant de relever les yeux sur lui.
« D'accord. »
Nulle part
20 juillet 2012
« Là où l'existence avait quittée le monde »
Le temps venait de s'arrêter à jamais, prisonnier de l'existence qu'on lui accordait, effacé en même temps que nous nous effacions sur la terre. La vie avait changée. Elle était désormais froide et hostile, cherchant à piéger les dernières lueurs d'espoirs qui nous tenaient debout. Je restais seule à me cacher sans vraiment savoir qui je fuyais. Je me mit à fermer les yeux, attrapant la peau de mon bras entre mes doigts pour la serrer le plus fort que je pouvais, espérant qu'une fois que j'aurais rouvert les yeux je serais avec Lucas dans notre appartement. Mais mes paupières se rouvrirent sur l'horizon. Aujourd'hui était le jour qui marquait la fin de mon espoir. Je savais au fond de moi qu'il ne reviendrait pas et que je devais ouvrir seule la marche vers l'inconnu. Je jetais mon sac sur mon dos, inspirais longuement avant de m'éloigner sans savoir réellement où j'allais.