code by Silver Lungs

Not really different from you, not really different from me. No, SAME

Acacia ∞ Hailee

Chaque jour est similaire au précédent, tous se ressemblent et se confondent. Je ne vois plus de but ni de fin à notre « fuite ». L’existence de quelconque but d’ailleurs me semble totalement absurde. Un tunnel sans lumière au bout, un labyrinthe sans sortie, un dilemme sans réponse. Comment ne pas devenir timbré dans une situation comme celle-ci, sérieusement ? Je sais pas comment les autres font pour garder leur calme. Non, ça m’échappe…

Chaque jour, j’espère qu’un évènement vienne bouleverser le cours des choses, qu’il me sauve de ce gouffre où les idées noires m’envahissent. Pourtant tu sais, j’ai l’impression que rien ne pourrait m’aider. Que pour que ça se fasse, qu’il faudrait d’abord que je décide déjà à lâcher prise,  à accepter enfin. Il y a cette putain de peur qui gâche tout, toujours. J’attends avec impatience le jour où je lui dirais d’aller définitivement se faire voir.  

Ce soir c’est à Luc et moi de le faire. A intervalle réguliers, on doit se rendre en ville, histoire de refaire le plein de provisions. Je ne vous le cache pas, en général ce n’est pas une partie de plaisir, encore moins avec lui. Je pensais que Jordan savait que c’était dangereux de nous mettre ensemble, mais... Faut croire qu’il me teste.
C’est pour cela que, à 22 h 31, alors qu’il faisait déjà noir, je n’ai pas daigné de réagir aux recommandations du « chef », ni lancé quelconque sourire rassurant à son égard quand nous nous sommes éloignés du camp. C’est con, je sais, il le sait aussi. Bien que la culpabilité pèse lourd là dans ma poitrine, je m’efforce de penser à autre chose, de ne pas être un boulet pour une fois. D’oublier la présence de mon charmant compagnon qui ne tarde pas à me faire remarquer qu’il faut vraiment ne pas être doué pour se prendre les pieds dans les racines des arbres moins de tous les 30 mètres. Que si on commençait comme ça, on n’allait surement pas passer la nuit. Haha, ne fais pas de ton cas une généralité très cher Luc.
Les railleries s’ajoutaient les unes aux autres au fil de la marche et… Je sais pas, le dieu de la sérénité devait veiller sur moi à ce moment-là. J’ai rien dit. Tout en traversant ce qui était pour moi le parcours du combattant, je me suis demandée comment ça se faisait qu’un mec comme lui vivait encore, alors que des milliers d’innocents sont morts, je ne sais trop comment. ‘Devait y’avoir eu une erreur quelque part, quant au « choix » des victimes. Mais bon, il paraît que y’a des cons partout, que c’est comme ça, qu’il faut l’accepter. Je me suis toujours pas faite à l’idée.

« Eh ben rouquemoute, tu fais la gueule ? »

« Je me demandais si c’était possible de castrer quelqu’un juste à la force des mains. »

« Ah. »

Il a plus rien dit après.
Alors, nous sommes arrivés à l’entrée de la ville. Une multitude de bâtiments se présentaient là sous différents aspects de délabrement, allant du toit manquant au tas de pierres. Ils s’amassaient là, le long de la régionale, s’avançant doucement sur le bitume brisé des trottoirs. Et malgré tout ça, je ne pouvais m’empêcher d’être fascinée par ce monde de ruines. J’imaginais la vie avant, les voitures qui klaxonnaient et leurs chauffeurs nerveux, les enfants qui couraient en rentrant de l’école, la sonnerie de la porte qui s’ouvre d’une petite échoppe. Et dire que tout cela est réduit à l’état de ville fantôme dépourvue d’âme… A ma plus grande surprise, il subsistait au loin quelques rares buildings où brillaient encore quelques fenêtres. Je me suis mise à flipper en disant que les personnes qui étaient là-dedans n’étaient surement pas emplis de bonnes intentions.
On arrive enfin au seul magasin ayant une enseigne connue. L’endroit donne la chair de poule. On dirait que si on donne un coup de pied dans le mur, tout s’effondre avec. En franchissant le seuil de la porte d’entrée –autrefois automatique, les vitres sont là misérablement bloquées à 50 centimètres l’une de l’autre-, lampe-torche à la main, Luc m’interpelle.

« Hors de question que je rentre là-dedans. »

« T’as pas trop le choix on dirait. »

« M’en fou, j’ai pas envie de crever coincé entre deux étagères remplies de bouffe périmée. »

« Tapette. »

J’entre donc dans le supermarché, sans lui, me retenant de toutes mes forces pour ne pas crier victoire. Enfin seule ! J’essaie de me frayer un passage entre les rayons renversés, sans tomber, tout en ramassant ici et là le peu de conserves que je trouve. Pas de grandes surprises, il y a quasiment plus rien ici. Je m’apprête à partir quand je tombe quasiment nez à nez avec une fille. Les traits tirés, les larmes aux yeux, les vêtements sales, je devine facilement qu’elle est là pour les mêmes raisons que moi. Toute aussi perdue. Elle fait un bond en arrière.

« Woh ! T’inquiètes pas, je vais pas te manger »,dis-je tout en essayant d’avoir un ton le plus appaisant possible.

Elle ne semble pas convaincue. Qui ne le serait pas dans ce genre de situation ?

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Acacia ∞ Hailee

Malgré mes tentatives pour la rassurer, la fille brandit un couteau. Sous son air menaçant, ses lèvres tremblent et trahissent sa peur. Tout le monde a peur. Peut-être que je devrais à m’inquiéter moi aussi. Pour ma peau. Qui sait, peut-être qu’elle va me bondir dessus pour prendre le peu de matos que j’ai, et se casser par je ne sais qu’elle autre sortie. Douée comme je suis, je ne résisterai pas longtemps. Et Luc naturellement s’en ira, flippé, sans moi (comment dire, je compte pas lui demander de l’aide, plutôt crever).Alors que j’étais en train de m’imaginer mille et un films sur mon éventuelle mort, sa voix me ramène à la réalité.

« Qu’est-ce que tu veux ? »

Moi-même je ne le sais pas vraiment, que lui dire ? Que je crève la dalle, tout comme elle, que je ferais n’importe quoi pour un plat chaud ? Je compte pas l’agresser, je vois pas comment je pourrais d’ailleurs. Disons que le couteau que j’ai là, dans la poche de ma veste, est potentiellement plus dangereux pour moi que pour elle. En un rien de temps je serais capable de me blesser, et je me retrouverais là, à sa merci. Elle fait quelques pas en arrière, prête à s’enfuir. Je la vois scruter les alentours, essayant ptet de savoir si je suis accompagnée ou non. Si la voie est libre. Je m’assois sur un tas de débris, mes doigts tambourinant sur la lampe torche essayant de faire passer mon anxiété.

« Même moi je retournerais pas là-bas, si tu veux savoir», dis-je en désignant du menton la sortie.

Son regard m’interroge. Méfiance. Possibilité d’un piège tendu. J’suis pas une saleté d’alien. Qu’est-ce que j’en ai à faire de cette fille franchement ? Si elle veut tomber nez à nez avec Luc, c’est son choix. Me battre pour la convaincre de ma sincérité, ça fait longtemps que l’envie m’aie passée, pour qui que ce soit d’ailleurs. Mais en même temps… Est-ce que je me comporte pas de la même manière, moi ? Avec ma paranoïa débile ?

« T’es libre de partir hein, j’vais rien te faire tu sais. C’est juste que… Y’a mon « partenaire », la-bas. Donc si tu comptes t’en aller, je te conseille de prendre une autre sortie. »

Pas besoin de préciser que Luc n’est pas du genre à se poser trente-six mille questions quant au sort de notre blondinette. Il n'est pas aussi pacifique que moi.
Assise là, dans le noir, je l’observe attendant une réponse. Ça se voit que cette fille est effrayée, que c’est un animal blessé prêt à détaler au moindre mouvement brusque. Je connais trop bien cette expression. Faire ou non confiance à la personne. Croire en ce qu’elle dit. Fuir ou se battre. Laisser tomber les barrières ou non.
Je crois que j’ai cette capacité totalement idiote et contraire à la survie humaine, qui consiste à se poser un maximum de question au sujet de la personne qui d’un moment à l’autre, peut vous égorger plutôt que de s’interroger sur ses propres chances de survie.